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Le bibliophile Heurtebise

Le bibliophile Heurtebise

Anciennement librairie Heurtebise, "le bibliophile Heurtebise" propose des informations culturelles en relation avec les métiers du livre, mais aussi des descriptifs de curiosités bibliophiliques. Actualités littéraires, critiques, salons, foires aux livres...


Il faut relire Molière !

Publié par HEURTEBISE sur 25 Août 2015, 09:15am

Catégories : #Beaux livres

Le dix-neuvième siècle a voulu voir en Molière l'interprète du bon sens bourgeois. En somme, l'auteur de L'Avare se serait contenté de ridiculiser l'hypocrisie religieuse avec Tartuffe, les ronds de jambe de l'Ancien Régime avec Le Misanthrope, le féminisme avec Les Précieuses ridicules et le libertinage avec Dom Juan. Dans cette perspective, L'Avare ne serait que la peinture d'un bonhomme près de ses sous, se trémoussant pour faire rire. Le rire, espoir suprême et suprême pensée du public bourgeois toujours anxieux de ne pas s'ennuyer au théâtre ! A la vérité, il fallait beaucoup d'aveuglement - ou une bonne dose de mauvaise foi - pour ne voir en Molière qu'un amuseur. Parti de la farce, il est clair que, dès 1664, il se sert du rire comme d'une arme au service de quelque chose et contre quelqu'un. Avec les moyens qui sont les siens, et sont sans doute plus efficaces que tous les pamphlets, il dénonce inlassablement l'éducation donnée aux filles, la fausse science, l'intolérance religieuse et les scandales de la bonne société. Auteur engagé, Molière sera d'ailleurs censuré par le Pouvoir : Tartuffe interdit à deux reprises (en 1664 et en 1667) et Dom Juan interrompu à la quinzième représentation. Le cycle que l'on pourrait dire de dénonciation se clôt avec L'Avare, et ce fait mérite réflexion. Tout se passe comme si Molière avait pressenti que le pouvoir, lorsqu'il tomberait des mains des petits marquis, serait récupéré par les hommes d'argent. Harpagon, annonce le règne de la bourgeoisie et de la déification de la propriété. D'ailleurs, pour parler de sa « chère cassette » et de l'argent qu'elle contient, il emploie les mêmes mots que les dévots implorant la Vierge et les saints : « Puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie.. ». Cette violence même souligne le fait que Molière ne cherche pas à provoquer l'adhésion du public à un spectacle positif, mais sa désolidarisation d'un spectacle négatif. Harpagon est non seulement un avare et un mauvais maître, mais encore un ennemi de la jeunesse et de l'amour. Il s'agit donc d'un personnage totalement odieux. Cependant beaucoup de comédiens, et parmi les meilleurs, ont voulu faire ressortir le tragique d'un homme dévoré par sa passion, le rendant ainsi pitoyable à travers son âpreté. Dans cet esprit, l'interprétation de Fernand Ledoux fut exemplaire. Pour sa part, Charles Dullin forçait les traits d'un des personnages qu'il a le mieux compris. Comique, Molière ? Certes. Pour reprendre un mot de Guitry qui, lui aussi, trompa souvent le monde, il reste, avec Beaumarchais l'auteur le plus sérieux du théâtre français. Après L'Avare et jusqu'au Malade imaginaire où il annonce littéralement sa mort qui aura lieu à la quatrième représentation, Molière dénonciateur va laisser la place à Molière-metteur en scène parti à la recherche d'un théâtre total qui réconcilierait tous les genres. Dans son Molière, paru en 1954 à l'Arche, un autre poète de théâtre, Jacques Audiberti, rappelle que la querelle entre traditionalistes et progressistes, littéraires et scientifiques, faisait déjà rage au temps de Louis XIV. Molière, bien sûr, prit parti pour le progrès, c'est-à-dire pour « la machine ». D'où un intérêt très vif pour la comédie-ballet ou les dieux doivent descendre du ciel, les palais sortir de terre, l'océan envahir la scène, et les monstres cracher des flammes. Ce n'est pas un hasard si Molière choisit la salle des Machines pour présenter au roi une fête dont il fut l'auteur général : Psyché. La technique y atteignait une telle perfection que, malgré d'innombrables changements de lieux, le rideau ne tomba pas une fois au cours de la représentation ! On le voit, la modernité Molière ne s'exprime pas seulement dans la dénonciation mais aussi par la volonté de mettre toutes les techniques au service du théâtre afin d'en faire un art véritablement populaire. Pour tous ces motifs il reste, sans doute, l'auteur le plus révolutionnaire du théâtre français.

Claude Planson, in Revue de la Comédie-Française, n°188 (mai 1983).
 

Il faut relire Molière !

La librairie propose cette édition de 1845 qui présente les plus belles et célèbres pièces de Molière.

MOLIERE « Œuvres complètes. »

A Paris, éditions Cavaillès, au bureau des publications pittoresques. 1845. Grand in 8 relié 1/2 basane havane. Dos orné. 846 pages. Un portrait frontispice gravé par Giraud. Quelques pages présentant des rousseurs et des petites notes manuscrites au crayon fin et à la plume. 30 principales pièces présentées. Bon exemplaire.

Ouvrage mis en vente et référencé EMHE 9424 à la librairie Heurtebise

Il faut relire Molière !

"Molière" est un film français de Laurent Tirard réalisé en 2007.

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