« Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. Je n'ai essayé, dans cette préface, que de réfléchir à mon tour sur le même sujet qu'avait traité Ruskin : l'utilité de la lecture. Ruskin a donné à sa conférence le titre symbolique de Sésame, la parole magique qui ouvre la porte de la caverne des voleurs étant l'allégorie de la lecture qui nous ouvre la porte de ces trésors où est enfermée la plus précieuse sagesse des hommes : les livres. » Marcel Proust
La librairie propose cette édition de 1906 avec la traduction et les notes par Marcel Proust. Sésame et les Lys. Des trésors et des rois. Des jardins des reines. Traduction, notes et importante introduction (58 pages) par Marcel Proust. A Paris, éditions du Mercure de France. Mai 1906. In 12 broché de 224 pages. 2ème édition numérotée du tirage (N° 1304). Bon exemplaire, intérieur propre. Recherché.
Ouvrage mis en vente et référencé HE 1891 à la librairie Heurtebise. 60 €
Les deux conférences de John Ruskin (1819-1900), réunies sous le titre Sésame et les Lys, ont été publiées en 1865. La préface Sur la lecture et la traduction de Proust ont été publiées en 1906. Proust traduit La Bible d'Amiens (1904), de John Ruskin, et ce travail, ainsi que sa deuxième traduction, Sésame et les lys (1906), est salué par la critique, dont Henri Bergson. Cependant, le choix des œuvres traduites ne se révèle pas heureux et l'ensemble est un échec éditorial. C'est pourtant pour le futur écrivain un moment charnière où s'affirme sa personnalité. En effet, il accompagne ses traductions de notes abondantes et de préfaces longues et riches qui occupent une place presque aussi importante que le texte traduit. Surtout, en traduisant Ruskin, Proust prend peu à peu ses distances avec celui-ci, au point de critiquer ses positions esthétiques. Cela est particulièrement perceptible dans le dernier chapitre de sa préface à La Bible d'Amiens qui tranche avec l'admiration qu'il exprime dans les trois premiers. Il reproche notamment à Ruskin son idolâtrie esthétique, critique qu'il adressa également à Robert de Montesquiou et qu'il fit partager par Swann et dans La Recherche. Pour Proust, c'est dévoyer l'art que d'aimer une œuvre parce que tel écrivain en parle ; il faut l'aimer pour elle-même.