Le genre du blason, poème bref inauguré par Marot (*) et que Sébillet définit comme « une perpétuelle louange ou continu vitupère de ce qu'on s'est proposé blasonner » (Art poétique français, 1548) connaît en France un succès éditorial certain autour des années 1536-1554. Le point de départ de cette mode poétique des blasons et des contreblasons est le célèbre « Blason du Beau Tétin » de Clément Marot, poème qui a inspiré plusieurs de ses contemporains à en faire des imitations. Les Blasons Anatomiques du Corps Féminin, d'abord publiés en annexe de l’Hecatomphile d’Alberti en 1536, 1537 et 1539 à Paris et à Lyon, paraissent dans une édition indépendante augmentée de « Contreblasons » ajoutés par Charles de La Hueterie en 1543, et sont de réimprimés en 1550, 1554 et 1568. Ils sont accompagnés de bois gravés probablement commandés spécialement pour l'occasion.
La librairie présente cette édition richement illustrée : "Un atlas du corps féminin entre Carte du tendre et poèmes d'amour".
LAINE (Pascal) - QUIGNARD (Pascal) Blasons anatomiques du corps féminin, et illustré par les peintres de l'école de Fontainebleau (**). Suivi de "Contreblasons de la beauté du corps humain." Editions Gallimard. 1982. Grand in 8 relié pleine toile sous jaquette illustrée de 149 pages. Nombreuses illustrations en noir et plusieurs planches hors-texte en couleurs. Avec un glossaire. Bon état, intérieur frais.
Ouvrage mis en vente et référencé HE 19734 à la librairie Heurtebise. 25 €.
Les Blasons anatomiques du corps féminin naissent d’une compétition poétique lancée par Marot lors de son exil à Ferrare en 1536. À sa suite, une quinzaine de poètes français dont Scève se lancent dans un genre poétique nouveau, le blason, et détaillent une à une les différentes parties du corps féminin. Le recueil juxtapose autant de poèmes – et d’auteurs – que de membres épars, disséqués en autant de morceaux d’anthologie, qui sont ensuite rassemblés selon l’ordre canonique des descriptions médiévales, de la tête au pied. Tandis que chaque poète s’empare, qui du bras, qui des cheveux, qui de la cuisse de la Femme idéalisée, le recueil dans son ensemble cartographie le territoire entier du féminin, des provinces les plus chastes et spiritualisées (l’œil, le front, la larme) aux domaines érotiques et scatologiques (sexe, pet, vessie). Ce faisant, le recueil en tant que corpus de textes se donne à lire comme une figure du corps entier : réciproquement, le corps humain devient le modèle interprétatif et le principe d’ordonnancement du livre. Dans ce chassé-croisé, corps et livre, textes et membres, mais aussi objet féminin de la description et sujets lyriques masculins, jouent de l’analogie des rapports entre tout et parties pour ériger un système symbolique de correspondances où le logos se fait l’instrument de conquête – amoureuse et scientifique – de la femme et du biologique.
© Cécile Alduy
(*) Le blason ne suit pas de règle fixe. A l'époque de Marot, il est généralement bref, en rimes plates, en octosyllabes ou décasyllabes. D'habitude, on s'adresse directement à la partie du corps célébrée en empruntant le modèle rhétorique de l'apostrophe.
(**) École de Fontainebleau est le nom donné à deux périodes de l'histoire de l'art français, qui dominèrent la création artistique française au XVIe et au XVIIe siècle, et figurent parmi les exemples les plus aboutis de l'art renaissant en France.