Intéressant article concernant l’aventure d’une librairie et maison d’édition à une époque où le livre était encore un outil culturel…
« L. Carteret écrivait : "Emile Nourry fut un grand libraire et un non moins grand savant ; né à Autun (Saône-et-Loire) en 1870, il mourut à Paris en 1935. Ses parents étaient libraires dans sa ville natale, ce qui contribua à lui donner l'amour des livres. Esprit critique, toujours en éveil, vivant dans un milieu catholique, il se croit appelé à la vocation sacerdotale, mais reconnaîtra bientôt qu'il va s'engager dans une voie qui ne lui convient pas. Il dévore les livres, tout l'intéresse : l'histoire, les sciences, la poésie, la nature de l'homme, la botanique, etc.... De bonne heure, l'histoire naturelle de l'homme le passionne, ses recherches tendant surtout à connaître l'homme pour le mieux diriger. Sa culture exceptionnelle lui permettait une compréhension immédiate des questions les plus délicates ; dans de multiples domaines, il a beaucoup aidé les savants et les écrivains scientifiques, son œuvre est imposante et infiniment variée. L'étude des religions comparées, puis des croyances, usages et traditions populaires fut le but principal de ses travaux. Ardent à l'étude, d'une puissance de travail exceptionnelle, professeur par tempérament, il deviendra sous le pseudonyme de P. Saintyves un excellent écrivain qui s'attaquera à des sujets les plus divers, toujours avec compétence. La liste de ses œuvres est fort longue ; citons : les Saints successeurs des dieux, 1907 ; les Vierges mères, 1908 ; le Discernement du miracle, 1909 ; la Force magique, 1914 ; Essais de folklore biblique, 1922 ; les Contes de Perrault, 1923 ; En marge de la Légende dorée, 1930 ; Manuel de folklore, 1937, etc...., sans compter d'innombrables études folkloriques ou relatives à l'histoire des religions (plus d'une centaine) parues dans diverses revues.
Il a laissé inachevée la publication de deux grands "corpus" ; celui d'un Folklore préhistorique, dont 3 volumes ont paru, et celui d'un Folklore des eaux, dont seule l'introduction a vu le jour. Fondateur de la Société du Folklore français dont il fut l'animateur et qu'il présida de longues années, il était en même temps maître de conférence à l'Ecole d'anthropologie, et directeur de la Revue anthropologique. Adorant son beau métier de libraire, il en profita pour réunir durant quarante années une incomparable bibliothèque de la plus grande valeur, concernant le folklore. Dans une pieuse pensée, sa veuve l'a offerte à l'Institut. Emile Nourry, d'une santé délicate, fut enlevé prématurément à l'affection des siens, de ses nombreux amis et admirateurs. Son cœur était aussi noble que son intelligence était vive et sa culture immense. Comment put-il, tout en exerçant son métier de libraire, trouver le temps et le moyen de satisfaire son labeur de créateur ?
« Marquée par une flèche noire, la porte d'entrée de la Librairie Emile Nourry 12 place du Théâtre à Dijon Carte postale ancienne, vers 1900-1910 »
Libraire à Dijon, puis à Paris, il prit dans la corporation de la librairie ancienne une place éminente ; son activité s'exerçait dans tous les domaines avec une prédilection marquée pour les livres les plus anciens : incunables, gothiques et livres du XVIe siècle ; et pour quelques spécialités qui l'intéressaient particulièrement tels les voyages, la médecine ancienne, l'histoire des religions, les sciences occultes, la chasse et la pêche. En 1925, ses confrères le choisirent comme président de leur syndicat (SLAM), rendant ainsi un hommage mérité à sa compétence professionnelle. Je me souviens avec mélancolie, puisqu'il devait disparaître peu de temps après, que, dans un banquet, le président Barthou lui remit la croix qui récompensait ses travaux ; son grand ami, Me Maurice Garçon, avocat célèbre et érudit, qui avait séduit Nourry par son entière compétence dans le domaine des livres, prononça une allocution brossée de main de maître, c'est le cas de le dire, sur la valeur et les mérites de ce grand libraire. Combien d'hommes éminents ont goûté le charme de sa conversation si vivante et si instructive ! Anatole France, Henri Brémond, Abel Lefranc, Louis Barthou et tant d'autres parmi les littérateurs et les savants. Son collaborateur de toujours et son ami, M. Thiébaud, continue heureusement la tradition de cette firme ; il y réussit pleinement, grâce à ses qualités de lettré et d'amoureux des livres. Sa profonde admiration pour son patron lui fait le plus grand honneur.
Si Léopold Carteret nous renseigne sur l'homme il nous dit finalement assez peu de choses sur son installation en tant que libraire à Paris. Le site du Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne nous renseigne sur quelques points. Émile Nourry débuta son activité de libraire à Dijon en 1899, place du Théâtre (au n°12). Il s'est installé peu de temps après à Paris, tout d'abord Rue des Saints-Pères puis Rue Notre-Dame-de-Lorette. En 1909 il se fixe définitivement au 62 de la Rue des Écoles. Il fut président du SLAM de 1925 à 1928. »
Sources : http://le-bibliomane.blogspot.fr
Pour les collectionneurs inquiets sur le devenir de la librairie ancienne, sachez que le n°12 place du Théâtre à Dijon était occupé par la Librairie ancienne Le Meur : celle-ci vient de fermer ses portes. Hélas, mille fois hélas… Encore une librairie en ancien qui ferme… (Voir article ci-dessous).
C'est d'ailleurs le grand-père de M. Le Meur qui s'installa dans cette belle librairie dès les années 30. L'aménagement intérieur de la librairie n'a pas changé ou très peu depuis les années 1899 et depuis aussi la librairie Émile Nourry.