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Le bibliophile Heurtebise

Le bibliophile Heurtebise

Anciennement librairie Heurtebise, "le bibliophile Heurtebise" propose des informations culturelles en relation avec les métiers du livre, mais aussi des descriptifs de curiosités bibliophiliques. Actualités littéraires, critiques, salons, foires aux livres...


La hiérarchie des grands « Papiers »

Publié par HEURTEBISE sur 14 Février 2020, 14:11pm

Catégories : #Infos Heurtebise

Le bibliophile Heurtebise vous propose cet article signé par Bertrand Galimard Flavigny (*), présentant - avec tout le savoir reconnu qu’on lui connait - les différentes catégories de papiers anciens… Chine, japon, hollande, vergé, vélin, alfa ! Alors, comment s’y reconnaître ? …

 

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         Nous projetons de nous procurer l'un des quinze exemplaires imprimés sur vélin bouffant des papeteries Salzer, puis de le confier à un relieurs renommé et au besoin y rajouter une lettre de l'auteur évoquant son livre, bref, faire acte de bibliophilie. Las ! Les quinze seuls exemplaires avaient déjà été vendus. Le grand papier, nommé aussi tirage de tête, a été réduit sinon abandonné par la plupart des éditeurs, à l’exception de Gallimard et de quelques autres maisons...

         Aujourd'hui l'évolution des techniques ne permet plus d'ajouter comme autrefois, une rame supplémentaire de papier de luxe à l'occasion de la parution d'un ouvrage essentiellement littéraire, roman ou essai. (**) Le livre doit être complètement recomposé et réimprimé. C'est la raison pour laquelle les prix des éditions sur vélin voire alfa sont six ou sept fois ceux des éditions courantes. Ce qui ne fait pas reculer les bibliophiles qui recherchent aujourd'hui toujours la qualité et la rareté, ce que ces éditeurs ayant aujourd'hui abandonné ces « tirages de tête » n'ont pas réellement compris ; les grands papiers servent pourtant, leur image de marque. Ces impressions présentent un autre avantage, celui de la conservation des livres. Que deviendront les exemplaires imprimés sur du papier mécanique avant de tomber en poussière ?

         Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, les éditeurs impriment quelques exemplaires, généralement sur hollande ou sur chine qu'ils de réservent – avec l'auteur -, pour leur seul plaisir, sans but commercial. Ces « grand papiers » permettent d'obtenir une meilleure qualité d'impression essentiellement des gravures. Les bibliophiles contemporains recherchent ces exemplaires hors-commerce ; les libraires ne manquent pas de le signaler aux éditeurs. Nous connaissons la suite...

L’ « édition originale » devient synonyme de « grand papier numéroté ». On peut voir fleurir au verso des pages de garde des mentions inscrites en italique comme celle pour Histoires incertaines d’Henri de Régnier (Paris, Mercure de France – 1919) : « il a été tiré : cinquante-neuf exemplaires sur chine, numérotés à la presse de 1 à 59 ; quatre cent soixante-dix exemplaires sur hollande, numérotés à la presse de 60 à 536. La première édition de cet ouvrage a été tiré à 1320 exemplaires. Sur papier vergé pur fil des papeteries Lafuma, savoir : 1295 exemplaires numérotés de 537 à 1831 ; 25 exemplaires hors-commerce marqués à la presse de A à Z. » Ici, le bibliophile préférera l'un des 59 sur chine, se contentera de l'un des 477 sur hollande et négligera les papiers vergé pour examiner l'un des 25 hors-commerce. La règle est de choisir le « plus grand papier » dans le plus petit tirage.

© F. B. Heurtebise - Henri Bouchot : « Histoire du livre » Editions Arnaud de Vesgre.

© F. B. Heurtebise - Henri Bouchot : « Histoire du livre » Editions Arnaud de Vesgre.

Il existe une hiérarchie des grands papiers : le chine, fabriqué à partir de filaments de bambous. Blanc cassé voire un peu gris, pas très beau d'aspect, mais léger comme du liège, il est mince, spongieux, « doux et brillant comme un foulard de soie », commentait Anatole France. Il prend admirablement bien l'encre et permet une excellente impression des textes comme des gravures ; le japon, confectionné avec l'écorce d'arbustes de la flore japonaise comme le mitsumata et le kozo aux fibres longues ou le gampi aux fibres délicates, est épais, jaune et soyeux, légèrement moiré.

Il en existe trois sortes : le japon impérial, le japon nacré et le japon ancien, ce dernier assez mat. Le simili japon est produit à partir de la cellulose de sapin ou d’épicéa. Le hollande est, selon Anatole France, « le seul qui soit durable, solide, riche, et qui convienne aux livres de luxe. » Ce papier n’est pas originaire de Hollande comme son nom pourrait le laisser croire. Après la révocation de l’Edit de Nantes, les principaux fabricants exercent leur industrie aux Pays-Bas et nous envient leurs produits. Les marques Van Gelder et Whatman sont réputées les meilleures. Le hollande est résistant, sonore, très sec, un peu cassant ; il possède un côté lisse et un autre rêche. Le hollande est vergé. Les vergés s’apparentent aux hollandes. Un peu raides et également obtenus à partir de chiffons, ils sont marqués par les « vergeures » et les « pontuseaux ». Les vergés modernes présentent des « fausses vergeures » trop régulières et facilement reconnaissables. Le vélin est, à l’origine, un papier de pur chiffon imitant la peau de vélin, blanc, lisse, à texture granuleuse, et sans trace de vergeures et pontuseaux. Inventé par John Baskerville vers 1755, il est importé en France par Benjamin Franklin en 1777. Les alfas, souples, brillants et blancs sont obtenus après traitement de l’alfa, une plante d’Afrique du Nord. Relativement ordinaires, ils sont de meilleure qualité que les papiers de bois.

         Il existe de nombreux autres catégories de papiers comme les papiers bible, indien, de riz, de ramie, serpente, de bois, bouffant, couché, calque, parchemin, etc. qui n’entrent pas ou ne devraient pas entrer dans la catégorie des « grands papiers ». Ceux-là sont « supportables », au contraire de ces feuillets encombrés de débris végétaux imprimés de caractères immenses vus dans les foires du livre, sous prétexte de retour à l’artisanat…

 

 

Article de Bertrand Galimard Flavigny (la chronique du bibliophile) in « la Gazette de l’Hôtel Drouot » - N° 45 – Décembre 2003.

 

 

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(*) Bertrand Galimard Flavigny, né en 1947, est journaliste en bibliophilie et auteur. Chroniqueur du marché de l'art aux "Petites Affiches" (depuis 1977), à la Gazette de l’hôtel Drouot (depuis 1978) et critique au Figaro Littéraire (1978-2007), il a collaboré au Quotidien de Paris, au Monde et au Magazine littéraire, Un livre et des voix etc...

 

(**) cf. Amélie Nothomb. Exemple de tirage sur grand papier pour une édition moderne « le voyage d’hiver » - Albin Michel – Août 2009.

 

© F. B. Heurtebise - « Le voyage d’hiver » - Albin Michel – Août 2009.

© F. B. Heurtebise - « Le voyage d’hiver » - Albin Michel – Août 2009.

© F. B. Heurtebise - « Le voyage d’hiver » - Albin Michel – Août 2009.

© F. B. Heurtebise - « Le voyage d’hiver » - Albin Michel – Août 2009.

© F. B. Heurtebise - Henri Bouchot : « Histoire du livre » Editions Arnaud de Vesgre. Chapitre consacré aux « papiers ».

© F. B. Heurtebise - Henri Bouchot : « Histoire du livre » Editions Arnaud de Vesgre. Chapitre consacré aux « papiers ».

© F. B. Heurtebise - Henri Bouchot : « Histoire du livre » Editions Arnaud de Vesgre. Chapitre consacré aux « papiers ».

© F. B. Heurtebise - Henri Bouchot : « Histoire du livre » Editions Arnaud de Vesgre. Chapitre consacré aux « papiers ».

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