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Le bibliophile Heurtebise

Le bibliophile Heurtebise

Anciennement librairie Heurtebise, "le bibliophile Heurtebise" propose des informations culturelles en relation avec les métiers du livre, mais aussi des descriptifs de curiosités bibliophiliques. Actualités littéraires, critiques, salons, foires aux livres...


Une page se tourne, la vente de la bibliothèque de Jacqueline de Ribes.

Publié par HEURTEBISE sur 10 Janvier 2022, 16:08pm

Catégories : #Infos Heurtebise

Bien après les célèbres collections de Pierre Bergé et d’Yves Saint-Laurent, (dont j’avais plusieurs fois parlé dans ce blog), vendues aux enchères, ce fut le tour de la dispersion d’une collection légendaire, celle du comte Édouard de Ribes (1923-2013) et de son épouse Jacqueline de Ribes (née Bonnin de la Bonninière de Beaumont, en 1929). La vente organisée par Sotheby’s en décembre 2019 (en trois vacations) a battu des records, soit la somme de 22,8 millions d’Euros. Cela mérite quelques explications :

- Jacqueline de Ribes -

- Jacqueline de Ribes -

Le 30 janvier 1948, Jacqueline de Beaumont épouse le vicomte, puis comte, Édouard de Ribes, banquier, officier de la Légion d'honneur, Croix de guerre 1939-1945. Ils ont deux enfants : Élisabeth de Ribes et Jean, comte de Ribes.

Pendant plus de cinquante ans, la demeure des comtes de Ribes a été, dans un décor somptueux, le théâtre de grands dîners mondains. Figures politiques, hommes d’affaires, écrivains et artistes, le Tout-Paris s’y pressait, accueilli par Édouard et Jacqueline de Ribes, dans une profusion décorative qui mêlait mobilier d’exception (André-Charles Boulle, Claude-Charles Saunier…), objets, bibelots rares, tableaux signés Élisabeth Vigée Le Brun ou Hubert Robert et livres précieux...

Le galeriste Jean-Gabriel Mitterrand, (Neveu du président François Mitterrand et frère aîné de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture de 2009 à 2012), un ami proche de Jacqueline de Ribes, décrit son goût : « Aujourd'hui cette femme, qui a bénéficié d'une éducation aristocratique, est capable de faire le pont entre une culture classique et la création contemporaine. Elle s'intéresse aussi à des artistes comme les Lalanne ou Diego Giacometti. »

A ce sujet, l’académicienne Dominique Bona (*) a publié en mars 2021 une intéressante biographie : Divine Jacqueline, Gallimard, 528 pages. (ISBN 9782072900372). Je vous recommande sa lecture !

© Dominique Bona "Divine Jacqueline".

© Dominique Bona "Divine Jacqueline".

Mais, intéressons-nous aux livres anciens...

Membre du conseil de la Société des amis du Louvre et de la Société des gens de lettres, président de la Société des bibliophiles françois, le Comte de Ribes était amené par ces honorables fonctions à côtoyer des objets magnifiques et à en acheter aussi.

Œuvres majeures éditées du XVIe au XXe siècle, pour la plupart magnifiquement reliées et toutes en fort bon état. Parmi ces trésors : des ouvrages de Montaigne, Villon, Rabelais, Ronsard, Du Bellay, Montesquieu, Racine, Corneille, La Fontaine, mais également « La chartreuse de Parme » de Stendhal, « Les fleurs du mal » de Baudelaire… Soit un extraordinaire ensemble dont les derniers fleurons ont été acquis jusqu’au XXIe siècle par son fils Edouard. Dont six portfolios de Sem – reliés en deux volumes –, un exemplaire d’« A l’ombre des jeunes filles en fleurs » annoté par Marcel Proust et des reliures contemporaines qu’Edouard continuait de faire exécuter, tel un livre de Lichtenstein, artiste majeur du pop art, relié par Monique Mathieu avec des effets géométriques, ou un ouvrage de Picasso et Max Jacob par Paul Bonet… Tout ceci représente une collection éclectique, et des ouvrages imprimés non pas pour être lus ni feuilletés, mais pour être admirés, précise, avec poésie, Jacqueline. Ce qui démontre combien son mari, plutôt conventionnel, pouvait être ouvert d’esprit et curieux dès que cela concernait la bibliophilie, la culture, ou quand il s’agissait de rencontrer des gens nouveaux dans les cercles les plus différents.

© Dominique Bona "Divine Jacqueline".

© Dominique Bona "Divine Jacqueline".

Comme son père Jean-Édouard de Ribes (1893-1982), Édouard de Ribes fut un grand bibliophile passionné de livres rares. Tous deux comptèrent parmi les fidèles de la Société des bibliophiles françois (**), présidée par le prince Gabriel de Broglie. Trois cents de leurs ouvrages seront dispersés lors de la deuxième vente. « La bibliothèque des comtes de Ribes n’est connue que de quelques initiés. Nombre de bibliophiles auraient rêvé d’entrer dans le bureau d’Édouard de Ribes pour découvrir ses trésors, classés par ordre alphabétique », explique Anne Heilbronn, vice-présidente chez Sotheby’s et directrice du département Livres et Manuscrits. L’ensemble est dominé par la littérature française du XVIe au XXe siècle, Pierre de Ronsard, Michel de Montaigne (les Essais de 1580, dans une rarissime édition originale sous sa reliure en vélin de l’époque), Charles Baudelaire, Victor Hugo, Émile Zola, Gustave Flaubert, Stendhal (un exemplaire des Promenades dans Rome annoté par l’auteur), Marcel Proust… On y trouve également des livres de fêtes, dont un ayant appartenu à Madame Victoire, et une belle édition des Fables de La Fontaine, illustrées par Jean-Baptiste Oudry. Le comte Édouard de Ribes fut aussi féru de livres d’artistes, en se montrant, en ce domaine, ouvert à la création contemporaine. Sa bibliothèque comprend notamment des ouvrages de Louise Bourgeois et de Daniel Buren, superbement reliés.

(*) Dominique Bona : lauréate du prix Interallié 1992 et du prix Renaudot 1998. Elle est membre de l'Académie française au fauteuil 33, depuis le 18 avril 2013... Élue à l'Académie française le 18 avril 2013 au fauteuil de Michel Mohrt, elle devient la huitième femme immortelle depuis la création de l'Académie en 1635 face au journaliste Philippe Meyer. Elle est au moment de son élection la benjamine des Immortels...

(**) La Société des bibliophiles françois : La Société des bibliophiles françois se montre pour la première fois. C’est un événement dans le monde de la bibliophilie, tant sa discrétion participe presque d’un mythe. Fondée en 1820 sur le modèle de sa grande sœur anglaise, le Roxburghe Club, elle naît dans le sillage de l’expansion du marché du livre, alors que se développe une véritable bibliomanie au début du XIXe siècle. Dès l’origine, elle se voit non au-dessus, mais différente des autres sociétés de ce type, tant dans son organisation que dans son objet social. L’association a toujours regroupé et uni des collectionneurs et des érudits. Une élite d’hommes et de femmes, de «gens du monde» –  comme l’a noté l’écrivain Alfred Fayot en 1822 –, formant au fil des années une académie privée restreinte : 40 fauteuils dont les membres parrainés sont élus.

© Sceau de la Société des bibliophiles françois.

© Sceau de la Société des bibliophiles françois.

© Sotheby’s catalogue - Vente Jacqueline de Ribes.

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