Une rentrée littéraire avec les Hussards...
Christian Millau est mort au cœur de l’été 2017, à l’âge de 89 ans. Il fut journaliste au Monde, à l’Express, au Point, mais aussi à la revue Opéra dirigée par Roger Nimier. Chroniqueur gastronomique, il fonda en 1969, avec son compère Henri Gault, un magazine mensuel repérant les bonnes tables, puis, en 1972, le fameux guide Gault-Millau, rival inspiré du Michelin. Les deux complices, fins gourmets, possédant une solide culture, contribuèrent au renouveau de la cuisine française et permirent de mettre en lumière de nouveaux chefs, Paul Bocuse en tête. Sans rayer d’un trait de plume la tradition, Christian Millau mit en avant les plats dégraissés, les viandes finement accompagnées et les desserts appréciés pour leur sobriété. Il prit sa retraite gastronomique, soulagé d’un guide devenu encombrant, pour se consacrer à l’écriture.
Extrait de l’article de : Pascal Louvrier « Christian Millau, l’art de vivre à la française » - magazine Causeur (novembre 2021).
Parmi ses ouvrages, soulignons Au galop des Hussards, publié aux éditions de Fallois, étincelant témoignage de l’aventure littéraire de ce mouvement dont le nom fut trouvé par Bernard Frank sur un coin de table. Il regroupait des écrivains en lutte contre le politiquement correct de l’époque, imposé par Jean-Paul Sartre et le puissant parti communiste, disqualifiant tout adversaire, surtout s’il était talentueux, en le traitant de fasciste. On peut citer Jacques Laurent, Michel Déon, Antoine Blondin ou encore le surdoué irrévérencieux Roger Nimier.
(Au galop des hussards - Editions de Fallois - Décembre 1998 -)
L'expression « les Hussards » désigne un mouvement littéraire français des années 1950 et 1960, qui portait l'amour du style et l'impertinence en étendard.
Les écrivains rattachés à ce mouvement ne se sont pas donné ce nom eux-mêmes et n'ont pas prétendu constituer un groupe. Les revues littéraires sont dans les années 1950 le terrain d'affrontements où l'on s'étrille à coups de pamphlets et d’anathèmes. Dans un article publié dans la revue Les Temps Modernes, le jeune journaliste de Jean-Paul Sartre, Bernard Frank (alors âgé de 25 ans), vise ce « groupe de jeunes écrivains que, par commodité, je nommerai fascistes. Nimier, Blondin, Laurent en sont les prototypes.» Ils forment alors un ensemble hétéroclite que distinguent cependant certains traits communs, tels que le goût d'un style bref et incisif, un anticonformisme volontiers insolent, la reconnaissance de maîtres dans des écrivains comme le cardinal de Retz, Stendhal, Alexandre Dumas ou le duc de Saint-Simon, voire politiquement le soutien à l'Algérie française. Ils s'opposaient à l'Existentialisme sartrien, alors puissant, qui proclamait que « l'art pour l'art est un appel stérile à la liberté. »
Après l’odeur aigre de la haine recuite, de la soupe sartrienne et de l’hostie stalinienne, il y a là Comme une parfum fringant d’une lotion du matin, à se dégourdir les jambes et fouetter le sang. La presse en fait vite son gâteau et accouche de ce titre pimpant, remis à neuf, la « Génération des hussards ».
Pour aller un peu plus loin...
L’essayiste et critique Pol Vandromme avait publié un petit livre La droite buissonnière en 1960. Il évoquait avec beaucoup de talent l’univers littéraire des Hussards. (Je vous conseille la lecture de cet ouvrage qui est recherché par les amateurs pour la justesse du trait et la qualité des portraits).
Pol Vandromme (1927-2009) affirmait « qu’il n’existe que trois catégories de critiques : ceux qui ne savent pas lire, ceux qui ne savent pas écrire, et ceux qui ne savent ni lire ni écrire. » Pol Vandromme, lui, appartenait à la quatrième : ceux qui savent à la fois lire et écrire. Il nous laisse une impressionnante somme d’essais où l’analyse littéraire prédomine. Mais il est aussi l’auteur de livres plus personnels comme ses souvenirs de jeunesse, puis de journaliste, et des évocations, souvent lyriques, de ce pays hennuyer qu’il a tant aimé.
Vient de sortir Génération hussards. Nimier, Blondin, Laurent. Histoire d’une rébellion en littérature, par Marc Dambre, chez Perrin. 432 pages.
Voilà le résumé du service de presse :
L’histoire méconnue de trois écrivains rebelles et irrévérencieux qui ont fait école.
Si la plupart des groupes d’écrivains revendiquent leur appartenance à un mouvement – que l’on songe au naturalisme de Zola et Maupassant, à la Négritude de Césaire et Senghor, ou encore au Nouveau Roman de Sarraute et Robbe-Grillet –, les hussards dénotent profondément car leur unité repose plus sur ce qu’ils ne sont pas que sur ce qu’ils sont.
En effet, ils ne constituent pas une école littéraire (tiré du Hussard bleu, leur nom leur a été attribué malgré eux), ils n’épousent pas les idéaux de leur époque (l’humanisme de Camus et l’existentialisme de Sartre), ils ne se reconnaissent pas dans le monde dans lequel ils évoluent (leur difficulté d’être les rapproche du romantisme) et, enfin, ils n’acceptent pas la bien-pensance marquant l’après-guerre (ils réhabilitent des auteurs controversés comme Céline).
L’écriture contestataire et le style frondeur des hussards ne fait donc aucun doute, et c’est ce qui les rassemble. De la Libération à la fin de la guerre d’Algérie, Roger Nimier, Antoine Blondin et Jacques Laurent, leurs chefs de file – rejoints plus tard par Michel Déon –, publient nombre d’essais, de pamphlets, d’histoires d’amour et de romans d’aventure. Ces jeunes auteurs désinvoltes et insouciants produisent une œuvre considérable d’une richesse absolue, marquant ainsi profondément et durablement la France des années 1950.
Cette brillante synthèse met enfin en lumière toute une vie culturelle qui a inspiré de nombreux artistes : de François Truffaut à Eric Neuhoff, en passant par Fabrice Lucchini ou encore Henri Verneuil (qui adapte au cinéma Un Singe en hiver, de Antoine Blondin, avec Gabin et Belmondo).