« Les bibliothèques sont des êtres vivants à l’image de notre complexité intérieure » écrivait Jacques Bonnet dans un magistral petit livre Des bibliothèques pleines de fantômes. (*) Avez-vous déjà pensé à classer vos livres ? Par auteur, par date de parution, par thème, par langue, par format ? Peut-on faire voisiner sur une étagère deux écrivains irrémédiablement brouillés dans la vie ? Le bibliomane ou le bibliophile se pose au début aussi la question de « qui, quoi, pourquoi et comment collectionner ? » Alors tout cela finit par composer un labyrinthe, dont pour notre plus grand plaisir, nous ne cherchons pas à sortir... Voilà autant de questions qui méritent une explication. Dont la plus fondamentale : qu’est-ce qu’une bibliothèque ?
Je vous propose une réflexion autour de ce livre magnifique d’intelligence :
« Une bibliothèque idéale » selon Hermann Hesse !
Hermann Hesse (1877-1962) n’est pas seulement le célèbre auteur de Demian, Siddharta, du Loup des Steppes ou du magistral Le jeu des perles de verre et d’autres chefs-d’œuvre encore de la littérature, c’était aussi un immense lecteur, un bibliophile extraordinaire, qui vécut dans le commerce intime d’ouvrages rares ou bon marché issus de toutes les cultures, de toutes les époques. Et c’est bien un amoureux des livres que nous découvrons ici au fil des notes, des lettres, des billets et des articles retrouvés par son fils après sa mort : quelque trois mille publications dont il n’a retenu que le dixième et dont la présente traduction offre quelques extraits.
Tout en dressant pour nous le catalogue d’une bibliothèque de littérature universelle, Hesse nous fait partager ses découvertes, ses joies et ses amours. Mais il établit aussi le bilan de la situation dans laquelle se trouvent le lecteur et l’écrivain dans la société moderne. Loin de céder devant son matérialisme, il assume sa mission, avec toute la souffrance qu’elle implique : celle d’ouvrir à notre époque le monde des images, le monde de l’âme et d’exprimer son immortalité. Hesse, qui se présente à nous comme un « lecteur ensorcelé », rappelle donc à quel point le livre est une composante essentielle de l’humanité ; il nous ramène à la réalité profonde de la lecture et de l’écriture, à leur dimension magique et sacrée. cf. Babelio.
Enfin, Hermann Hesse expose dans ce petit recueil de façon très convaincante sa vision du livre, conception qui intéressera sans aucun doute tout lecteur digne de ce nom et qui cherche à en savoir un peu plus. Un vrai livre de chevet à lire, relire, reprendre au hasard... Bref, si perdre.
J'achèverai sur cette phrase extraordinaire qui dit l'infini de cette magie du Livre : « le monde des livres est le plus grand de tous les mondes que l'homme n'a pas reçus de la nature mais tirés de son propre esprit. »
Patrick Estève - La pensée au fil des mots - 2017.
(*) J. Bonnet - Des bibliothèques pleines de fantômes - Denoël - 2008 - 138 pages.
J. Bonnet est un éditeur et traducteur, né en 1949. Il est l’auteur de nombreux articles sur des sujets littéraires ou artistiques et d'une dizaine d'ouvrages. Il a traduit une vingtaine de livres et a enseigné l’histoire de l’art.
- Le dernier grand roman de Hermann Hesse... -
Que tu deviennes professeur, savant, ou musicien, aie le respect du “sens”, mais ne t'imagine pas qu'il s'enseigne.