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Le bibliophile Heurtebise

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Anciennement librairie Heurtebise, "le bibliophile Heurtebise" propose des informations culturelles en relation avec les métiers du livre, mais aussi des descriptifs de curiosités bibliophiliques. Actualités littéraires, critiques, salons, foires aux livres...


La Bibliographie nationale française et le dépôt légal, 200 ans d’édition !

Publié par HEURTEBISE sur 9 Janvier 2024, 13:37pm

Catégories : #Infos Heurtebise

La Bibliographie nationale française a été créée en 1811. Son histoire est étroitement liée à celle du dépôt légal, qui pendant les deux derniers siècles a navigué entre trois objectifs : enrichissement des collections nationales, protection du droit d’auteur et la surveillance, voire la censure. Malgré ces variations et les évolutions de forme et de périmètre qu’elle a connues, la bibliographie nationale a toujours le même but : faire connaître l’ensemble de la production éditoriale française. Pour remplir au mieux cette mission et s’adapter aux usages qui en découlent, cet instantané de la production nationale continue à évoluer et à mettre en œuvre de nouvelles fonctionnalités.

La date de 1811 est l’une des dates consacrées pour marquer la frontière entre livre ancien et livre moderne. Le début du XIXe siècle est en effet une période de mutations dans l’histoire du livre : mode de production technique, prix, diffusion… Mais le choix de l’année 1811 ne correspond pas à un critère économique : il s’agit de la date de création, sous le titre de Bibliographie de l’Empire français, du périodique qui sera connu de 1814 à 1990 sous le nom de Bibliographie de la France.

 

Annonce de la nouvelle série de la Bibliographie de la France dans le n° 1-2 de janvier 1943. © Gallica/BnF

Annonce de la nouvelle série de la Bibliographie de la France dans le n° 1-2 de janvier 1943. © Gallica/BnF

Derrière les évolutions de forme et de contenu, toujours motivées par la recherche du meilleur service, la bibliographie nationale présente une grande stabilité d’objectifs et d’usages. Paul Delalain, président du Cercle de la librairie, citant les prospectus de divers ancêtres de la bibliographie, met en lumière des préoccupations qui sont restées celles de ses auteurs jusqu’à nos jours : en un mot, faire connaître la production française. Les motivations peuvent en être d’ordre politique (censure), administratif (s’assurer de l’exécution d’une obligation légale comme le dépôt ou le règlement de taxes à l’importation), publicitaire (pour les éditeurs) ou culturel (pour les lecteurs cherchant à se repérer dans la masse des ouvrages disponibles dans le monde de l’écrit), mais le but reste le même.

Les textes juridiques sur le dépôt légal qui se sont succédé depuis le XVIe siècle ont mis l’accent tour à tour sur l’un de ces trois buts : enrichissement des collections nationales, défense du droit d’auteur, et surveillance administrative ou policière (censure). Le texte fondateur en la matière, l’ordonnance de Montpellier (1537) - François Ier en est l’instigateur - n’évoque que l’aspect culturel ; la censure est alors régie par d’autres textes. Les deux siècles suivants font converger les deux, jusqu’à ce que la Révolution abolisse le dépôt légal en 1790. Lorsqu’il est rétabli en 1793, c’est uniquement en vue de la protection du droit d’auteur. Facultatif, ce dépôt a peu de succès. En 1810 et 1811, l’Empire organise un dépôt légal orienté vers la surveillance politique et administrative, tendance qui domine une bonne partie du XIXe siècle.

© Editions Hachette - Réédition -

© Editions Hachette - Réédition -

Erudit, curieux, Léon Vallée (1850-1919) est avant tout connu pour ses précieux travaux de bibliographe. En 1883, il publie, Bibliographie des bibliographies en s’appuyant sur les ouvrages de la Bibliothèque nationale de France. On lui doit aussi en 1894 Choix de documents pour servir à l’histoire de l’établissement et de ses collections.

La Bibliographie nationale française et le dépôt légal, 200 ans d’édition !

C’est cette préoccupation qui préside à la première tentative de bibliographie officielle, en 1785, puis à la création de la Bibliographie de l’Empire français en 1811. D’août 1785 à janvier 1786, le Journal de Paris a en effet publié deux fois par semaine un « État des livres, estampes, etc, dont les exemplaires ont été fournis, en vertu de l’arrêt du Conseil d’État du roi du 16 avril 1785 ». Comme dans le décret d’Amsterdam, qui cite l’arrêt de 1785, le but avoué est de faire connaître aux libraires les ouvrages autorisés. Un autre point commun est de s’appuyer sur des journaux existants. En 1785, il s’agit d’une simple insertion dans le Journal de Paris ; en 1811, le Journal général de l’imprimerie et de la librairie, qui avait déjà, depuis sa création sous le titre Journal typographique et bibliographique en 1797, les caractéristiques d’une bibliographie nationale, devient un organe officiel sous le titre de Bibliographie de l’Empire français.

© Que sais-je? n° 708 - La bibliographie -

© Que sais-je? n° 708 - La bibliographie -

Les notices des ouvrages sont rédigées à partir des fiches de déclaration du ministère de l’Intérieur. Le décret d’Amsterdam prévoit que les notices contiennent « le nom des éditeurs et des auteurs, si ces derniers sont connus ; le nombre d’exemplaires de chaque édition et le prix de l’ouvrage ». L’édit de 1785 demandait des informations plus détaillées : titre, nombre de volumes, format, année, auteur ou éditeur, imprimeur. En pratique, les notices qu’on trouve dans les premiers numéros de la Bibliographie de l’Empire contiennent, en plus des informations utiles pour le contrôle administratif, celles qui peuvent être utiles aux libraires et éditeurs, son premier public.

Pour son deux centième anniversaire, (plus exactement 212 ans !) on peut souhaiter à la Bibliographie nationale française de continuer à équilibrer la fraîcheur de l’information avec sa qualité, de concilier nunc et semper, outil courant et outil rétrospectif, pour une communauté d’utilisateurs vaste, et de rester un instantané de la production à un moment précis, différente et complémentaire des catalogues.

© Mathilde Koskas.

Mathilde Koskas - Archiviste-paléographe et conservateur des bibliothèques, est adjointe au chef de service de la Bibliographie nationale française Livres, département du Dépôt légal de la Bibliothèque nationale de France.

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