Pour ceux qui, comme moi, ont connu le Paris qu'évoquent Jacques Dutronc et Jacques Lanzmann, cette chanson (Il est cinq heures, Paris d’éveille) évoque des images en noir et blanc, à travers le prisme de la télévision de l’époque et de nos yeux d'enfant... Les Halles, les boulangers de la capitale, les couche-tard croisant les lève-tôt, la place Dauphine et la place Blanche, le boulevard Montparnasse, les boîtes qui ferment, tout cela inspire la nostalgie d'un Paris disparu à jamais. Ce n'est qu'un constat sans appréciation négative qui ne serait que le refus du progrès et de l'évolution normale des choses. C'est un hommage rendu par des amoureux de Paris avec le sentiment de regret des temps passés ou de lieux disparus ou devenus lointains...
La « nostalge » comme l’évoquait si bien Robert Hossein.
Jacques Wolfsohn, de chez Vogue, propose, après un repas avec Jacques Lanzmann (*) et Jacques Dutronc, de faire une chanson sur le thème de « Paris le matin ». Lanzmann et Dutronc commencent à l'écrire le soir même et l'achèvent aux aurores. Anne Segalen, à l'époque épouse de Lanzmann, a également participé à la rédaction des paroles.
L'enregistrement a lieu le 28 janvier 1968, avec Jean-Pierre Alarcen à la guitare, Christian Padovan à la basse, et Lucien Bonetto aux percussions.
Durant l'enregistrement, ils ne sont pas satisfaits du résultat, trouvant les arrangements un peu plats. Jusqu'à ce que, à la demande du directeur artistique de Dutronc du studio Vogue, le flûtiste classique et improvisateur Roger Bourdin qui enregistre du Bach dans le studio à côté du leur, improvise un solo de flûte en une seule prise de 10 minutes, qui donnera la version finale de la chanson ! Voilà comment la magie opère.
Je suis le dauphin de la place Dauphine
Et la place Blanche a mauvaise mine
Les camions sont pleins de lait
Les balayeurs sont pleins de balais
Il est cinq heures
Paris s'éveille
Paris s'éveille
Les travestis vont se raser
Les strip-teaseuses sont rhabillées
Les traversins sont écrasés
Les amoureux sont fatigués
Il est cinq heures
Paris s'éveille
Paris s'éveille
Le café est dans les tasses
Les cafés nettoient leurs glaces
Et sur le boulevard Montparnasse
La gare n'est plus qu'une carcasse
Il est cinq heures
Paris s'éveille
Paris s'éveille
La Tour Eiffel a froid aux pieds
L'Arc de Triomphe est ranimé
Et l'Obélisque est bien dressé
Entre la nuit et la journée
Il est cinq heures
Paris s'éveille
Paris s'éveille
Les banlieusards sont dans les gares
À la Villette, on tranche le lard
Paris by night, regagne les cars
Les boulangers font des bâtards
Il est cinq heures
Paris s'éveille
Paris s'éveille
Les journaux sont imprimés
Les ouvriers sont déprimés
Les gens se lèvent, ils sont brimés
C'est l'heure où je vais me coucher
Il est cinq heures
Paris s'éveille
Il est cinq heures
Je n'ai pas sommeil.
Source : © Musixmatch
(*) Auteur de plus de 150 chansons dont de nombreux titres pour Jacques Dutronc, Lanzmann signe d'autres œuvres pour France Gall, Régine, Zizi Jeanmaire, Enrico Macias, Mireille Darc, Dani,... En 1965, Jacques Lanzmann fait la connaissance de Jacques Dutronc. De leur amitié naît une fructueuse collaboration de près de dix ans. Plusieurs immenses succès naissent de leur duo insolent et iconoclaste, parmi lesquels Il est cinq heures, Paris s'éveille en 1968, cosigné par l'épouse de Jacques Lanzmann : Anne Segalen.
À 80 ans, Jacques Dutronc publie ses mémoires aux éditions Le Cherche-midi. Et moi, et moi, et moi. Un petit bijou au style enlevé, drôle et détaché ; l’esquisse d’une vie de dandy. En deux-cent-huit pages l’auteur des Cactus se souvient et raconte avec tact l’itinéraire d’un enfant resté un grand enfant... Page 158 il écrit même... un hommage à l'écrivain Louis-Ferdinand Céline ! A découvrir...