Quand Barbey d’Aurevilly pestait contre l’idée saugrenue d’ouvrir un musée d’effigies en cire !
Voici une lettre autographe signée destinée à Alfred Grévin (*), violemment opposé à son projet de musée !
Vente livres et documents mercredi 15 mai 2024 – Drouot (Salle 15) – Expert : Dominique Courvoisier.
Descriptif : L.A.S. à Alfred Grévin. Paris, «Vendredi matin» [1881]. 3 pp. in-8. Encre rouge. En-tête gravé en rouge «Never more» répété sur l'enveloppe conservée avec cachets postaux et lacs de soie.
(*) Alfred Grévin est un sculpteur, caricaturiste, dessinateur et créateur de costumes de théâtre français (1827-1892). Il est également connu pour avoir donné son nom au musée de cire éponyme qu'il a fondé avec le journaliste Arthur Meyer, ouvert en 1882. Le musée ouvre ses portes le 5 juin 1882. Il rencontre à cette occasion plusieurs fois Émile Zola, dont il voulait faire figurer l'effigie parmi ses collections. Aujourd'hui le musée Grévin accueille près de 800 000 visiteurs par an.
« Vous ne me trouverez pas demain chez votre photographe et voici pourquoi. Le plaisir de vous recevoir chez moi hier et de faire connaissance avec un homme de talent dont les manières m'ont plu extrêmement, m'a fait accueillir un peu trop vite le projet dont vous m'avez parlé ? J'aurais dû vous demander de réfléchir sur votre proposition; mais quand vous avez été parti j'ai pensé à ce que vous m'aviez exposé, je me suis mis à quatre pas de votre idée pour la juger, (comme vous feriez pour un tableau) et ce que j'ai vu dans ma réflexion m'en a complètement détaché. Je ne connais pas le Musée Tussaud, mais j'ai vu quelquefois dans ma vie des Cabinets de Curtius [Philippe-Guillaume Mathé, dit Curtius avait fondé un cabinet de cire très célèbre sous Louis XVI, au Palais-Royal], et je les ai toujours trouvés affreux. L'impression qu'ils m'ont faite m'est revenue, vilaine vision ! Et, quelque talent qu'il y ait dans votre musée, ce sera toujours un cabinet de Curtius ! Ce sera toujours de l'art grossier - de la vie figée, - du trompe l'œil qu'on ne trompe jamais... Ces statues, à ressorts mécaniques, habillées avec des vêtements réels, ces moulages de cire coloriés, cette vie qui n'est pas la vie qu'on veut, obtenue par les moyens les plus brutalement matériels et qui n'est, en définitive, qu'une odieuse & impuissante singerie de la vie, tout cela est revenu dans ma pensée [...] vous qui m'avez été sympathique tout de suite, j'avais dit trop vite « oui » à votre projet. Vous m'auriez demandé ma personne pour un portrait ou pour une statue, c'eut été différent: c'eut été de l'art, dans sa notion élevée & vraie, mais ici l'art n'est pas [...]».
Lettre publiée in Barbey d'Aurevilly, Correspondance générale (Belles-lettres, 1980) VIII, 1881/30, p. 290.
Jules Barbey d'Aurevilly est un romancier, nouvelliste, poète, critique littéraire, journaliste et polémiste français. Il est issu de la petite noblesse normande profondément catholique. Un moment républicain et athée, il finit par adhérer à un monarchisme intransigeant sous l'influence de Joseph de Maistre. Il revient au catholicisme vers 1846 et se fait le défenseur acharné de l’ultramontanisme et de l’absolutisme, tout en menant une vie élégante et désordonnée de dandy.
Il théorise d'ailleurs, avant Baudelaire, cette attitude de vie dans son essai sur le dandysme et George Brummell. Ses choix idéologiques nourriront une œuvre littéraire, d’une grande originalité, fortement marquée par la foi catholique et le péché. Son œuvre la plus reconnue est sans doute "Les Diaboliques", publiée en 1874, un recueil de nouvelles empreint de réalisme historique et d'un surnaturalisme exalté. Le Rideau cramoisi a été adapté au cinéma et réalisé par Alexandre Astruc en 1952, avec Anouk Aimée. Le film a obtenu le Prix Louis-Delluc.
Critique littéraire prolifique, il contribue à faire découvrir Stendhal et à réhabiliter Balzac. Il défend également "Les Fleurs du mal" de Baudelaire et consacre à "Madame Bovary" de Flaubert une critique favorable mais sévère. Son œuvre a été saluée par Baudelaire et plusieurs écrivains ont loué son talent extravagant, notamment à la fin de sa vie. Hugo, Flaubert ou Zola, quant à eux, ne l’appréciaient pas. Ses « héritiers » sont Léon Bloy, Joris-Karl Huysmans, Octave Mirbeau ou Paul Bourget et sa vision du catholicisme a exercé une profonde influence sur l’œuvre de Bernanos.
Voici une belle édition dédicacée proposée par la librairie Faustroll :
BARBEY D'AUREVILLY (Jules) - Du dandysme et de George Brummell, Paris, Lemerre, 1879 - 15,7 x 9,2 cm, demi-maroquin à grain long rouge à coins, dos lisse orné de filets dorés et fleurons à froid, non rogné, tête dorée, couverture parcheminée et dos conservés, 4 ff. n. ch. (f. blanc, faux-titre, portrait de l'auteur, titre), X pp. (préface), 1 f. n. ch. (portrait de Brummell), 127 pp., 1 f. n. ch.
Troisième édition, en partie originale, illustrée de deux portraits gravés à l'eau-forte par Martinez, l'un de l'auteur, l'autre de Brummell (1778-1840).
Très bel envoi autographe signé de l'auteur rédigé à l'encre rouge, ponctué d'une flèche rouge : "à / Madame Alice Ritter / pour moi / la pâle Rosalinde (de Shakespeare) / - / à cette poésie, cette prose. / J. Barbey d'Aurevilly / qui n'aurait pas aimé Juliette / s'il avait été Roméo.".
Mention à la plume en haut du faux-titre : A Th. R. [Théodore Ritter] 1886.
Explications en suivant le lien ci-dessous :
BARBEY D'AUREVILLY Jules Du dandysme et de George Brummel Lemerre 1879
Librairie Faustroll BARBEY D'AUREVILLY Jules Du dandysme et de George Brummel Lemerre 1879 en partie originale envoi autographe signé à Alice Ritte
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