L’étrange fortune de Jean Bélias qui a légué pour plusieurs millions d’euros de livres rares à la bibliothèque Doucet !
En règle générale les bibliothèques, les archives, et plus généralement les centres de documentation, imposent le respect comme sanctuaires dédiés à la noble mission de conserver, protéger et transmettre des documents de diverses natures et origines. Pour autant, ces « temples du savoir » ne sont pas à l’abri de certaines dérives, voire de malversations d’autant plus graves et lourdes de conséquences qu’elles peuvent provenir de l’intérieur même de l’institution. Ces cas sont très rares car l’immense majorité des bibliothécaires et des documentalistes ne perdent jamais de vue leurs obligations liées à l’éthique de leur profession.
On se souvient néanmoins du scandale causé en son temps par le comte Libri (*), qui avait abusé de ses fonctions officielles pour voler des ouvrages ; ou de la lamentable « mise à sac » de la Bibliotheca dei Girolmani par son propre directeur. Nous allons évoquer aujourd’hui une nouvelle affaire, cette fois-ci franco-française, qui vient de connaître un dénouement tragique. Elle a pour théâtre un prestigieux établissement parisien : la bibliothèque littéraire Jacques Doucet. (**)
(*) J’en parle dans mon ouvrage « Des faussaires en livres anciens & modernes » - Publications bibliophile Heurtebise - 2024. - Lien ci-dessous :
(**) Jacques Doucet :
Jacques Doucet collectionneur d'art du XVIIIe siècle. Enrichi par son activité de couturier, Jacques Doucet (1853-1929) pose les premières pierres d'une importante collection d'objets d'art consacrée au XVIIIe siècle. Il rassemble des tableaux, dessins, sculptures, œuvres d'ébénisterie et de marqueterie, des estampes et des livres. Sa collection, qui réunit des pièces de provenance prestigieuse, est ouverte aux amateurs et chercheurs qui en font la demande. Parmi les pièces remarquables, on compte les Bulles de Savon de Chardin.
En juin 1912, il vend une grande partie de cette première collection, à la suite de la mort tragique de la femme qu'il aimait en secret, Jeanne Ruaud, et à laquelle il destinait cet ensemble. La vente publique, qui fait événement, engendre 13 884 460 francs d’adjudications, ce qui en fait la vente la plus chère de son temps. Outre les prix atteints, cette vente est remarquable en ce qu'elle donne lieu à un catalogue de vente particulièrement documenté, illustré et investi d'une dimension scientifique : il a été rédigé par des spécialistes, historiens de l'art et conservateurs de musée.
En 1917, Jacques Doucet offre sa bibliothèque d'histoire de l'art à l'Université de Paris : elle deviendra la Bibliothèque d'art et d'archéologie, fondation Jacques Doucet, puis, en 2003, la bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art, collection Jacques Doucet.
Où sont passés les trésors littéraires du legs Jean Bélias à la bibliothèque Jacques-Doucet ?
À son décès en 2010, le bibliophile Jean Bélias (***) lègue plus de 15.000 ouvrages et manuscrits rares à la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet située dans le Ve arrondissement de Paris. Aujourd'hui, seulement 1890 titres de cette collection sont inscrits dans les fonds de l'établissement. Les dessous de ce mystère ont été révélés par Le Canard Enchaîné. La chancellerie des universités de Paris, responsable de la bibliothèque Jacques-Doucet, aurait commandé un audit à un cabinet spécialisé pour enquêter sur la gestion du legs par celle-ci. L'Inspection générale des bibliothèques, rattachée au ministère de l'Enseignement supérieur, aurait également été sollicitée. «On a missionné une inspection générale sur le sujet, confirme le ministère au Figaro. Les premières conclusions devraient nous être remises cet été.»
(***) Jean Bélias, un amoureux des livres rares, a légué son appartement et son contenu à la bibliothèque Jacques-Doucet en 2010. Des milliers d'ouvrages, documents et manuscrits de grande valeur. Pourtant, aucun inventaire complet n'a été établi au moment du legs. Selon Le Canard, une seule liste est dressée devant un notaire au décès du donateur: celle de la quinzaine de cartons qui se trouvait dans sa chambre en maison de retraite. Ils contenaient, entre autres, des manuscrits du XIXe siècle de l'écrivain Benjamin Péret et ou l'acteur Antonin Artaud. Sept ans plus tard, ces livres sont introuvables !
Une collection inestimable triée à la va-vite.
Faute de surveillance, les ouvrages qui reposaient dans l'appartement de Jean Bélias ont eux aussi été dispersés. D'après Le Canard Enchaîné , une conservatrice se serait servie parmi les œuvres rares dès la disparition du bibliophile. Des échanges clandestins avec un libraire se seraient également déroulés sur cette même période. En 2015, quand la chancellerie des universités de Paris décide de mettre en vente l'appartement de Jean Bélias, la confusion est totale. Le contenu de sa maison est vidé et placé dans des cartons à la va-vite avant d'être envoyé dans un garde-meuble. La bibliothèque Jacques-Doucet fait un tri rapide dans la collection du défunt ; une quinzaine de cartons sont envoyés chaque semaine dans leurs locaux. Pas plus de 2.000 titres seront inscrits par la suite dans les archives de la bibliothèque. C'est seulement grâce à un libraire d'Orléans, contacté en 2017 pour organiser la vente du reste de la collection de Jean Bélias, qu'un inventaire complet du legs est établi. Selon l'hebdomadaire, la direction de la bibliothèque Jacques-Doucet se laisse la possibilité de récupérer des ouvrages rares qui pourraient l'intéresser.
Scandale et drame à la bibliothèque Jacques Doucet : l'affaire du leg Bélias - Le Dicopathe
Les " rats " de bibliothèques En règle générale les bibliothèques, les archives, et plus généralement les centres de documentation, imposent le respect comme sanctuaires dédiés à la noble...
https://www.dicopathe.com/scandale-et-drame-a-la-bibliotheque-jacques-doucet-laffaire-du-leg-belias/
"À l'époque des faits, Sabine Coron était à la tête de l'établissement parisien. L'hebdomadaire cite une note que l'auteure a écrite à la chancellerie en 2011 en apprenant le legs de Jean Bélias: « aussi attendons-nous avec impatience l'inventaire de cette manne inestimable », explique-t-elle. Que s'est-il passé ensuite? C'est ce que l'audit commandé par la chancellerie des universités de Paris devra définir. « Nous sommes arrivés il y a seulement un an donc nous n'avons pas suivi toute l'affaire. En fonction des résultats de l'enquête, la ministre prendra les décisions adéquates concernant la bibliothèque et le legs », précisait vendredi le ministère de l'Enseignement supérieur. L'archiviste paléographe Isabelle Diu est directrice de la bibliothèque Jacques-Doucet depuis 2011."
© le Figaro - Par Ludivine Trichot - Publié le 27/04/2018.
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Deux bibliophiles : PAB et Jean Bélias - Pierre André Benoit (1921-1993), dit P.A.B., nous laisse une œuvre d’éditeur d’art, de poète, de peintre et d’artisan du livre. Un grand bibliophile !