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Le bibliophile Heurtebise

Le bibliophile Heurtebise

Anciennement librairie Heurtebise, "le bibliophile Heurtebise" propose des informations culturelles en relation avec les métiers du livre, mais aussi des descriptifs de curiosités bibliophiliques. Actualités littéraires, critiques, salons, foires aux livres...


Pourquoi des marges aux livres ?

Publié par HEURTEBISE sur 7 Décembre 2024, 09:40am

Catégories : #Infos Heurtebise

Pourquoi y-a-t-il des marges dans les cahiers ? Les marges sur les cahiers et autres documents écrits ont été introduites principalement pour protéger le contenu des textes contre les dommages causés par les rongeurs, en particulier les rats. Cette pratique remonte à l'époque de l'invention de l'imprimerie par Gutenberg vers 1450. Nous accordons pour notre part peu de crédit à cette origine, sachant par expérience que les vrillettes n’attaquent presque jamais par les marges mais creusent directement à travers la reliure dans le corps de l’ouvrage, que l’eau offre aux moisissures un terrain de jeu qui ne se limite pas à la mouillure, fut-elle marginale, et que le feu n’épargne rien, ni la marge, ni le texte, ni la bibliothèque autour.

© Blog Patrimonial de la Médiathèque du Grand Narbonne. - Livre d’heures (fin XVe siècle) - Lettrine et marges enluminées - Médiathèque du Grand Narbonne

© Blog Patrimonial de la Médiathèque du Grand Narbonne. - Livre d’heures (fin XVe siècle) - Lettrine et marges enluminées - Médiathèque du Grand Narbonne

Alors, qu’en est-il ? Dans un article (Marginalia : « Partout où il n'y aura rien… » : Éloquence de la marge.), le site internet de la librairie Édition-originale.com précise : « À cette pragmatique genèse, nous préférons une autre histoire : la Bible. En effet, selon d’autres sources, la marge laissée en bord de texte s’inspirerait de la culture hébraïque du commentaire encadrant le texte sacré, puis du commentaire du commentaire encadrant le commentaire encadrant le texte sacré. La marge laissée blanche serait alors le lieu de l’ultime glose, réflexion (et reflet) de la lecture en cours, susceptible elle-même d’être un jour imprimée en encadrement des précédents textes enchâssés. »

© Librairie Koegui.

© Librairie Koegui.

Des grandes marges, une coquetterie d’imprimeur ?

Certains livres tirés sur grands papiers présentent parfois une particularité due aux nécessités du tirage : ils sont munis de fausses marges, c'est-à-dire de grandes marges du côté droit de la feuille. Ces feuillets dépassent les autres marges du livre. Des relieurs ne font pas rogner à la reliure ces marges, ce qui donne à l’ouvrage un aspect curieux et déforme les deux plats donnant au livre un aspect bombé. Ces écarts de formats des pages s’appellent des témoins, et sont une marque de qualité d’impression de l’ouvrage. En bibliophilie c’est un paramètre supplémentaire de qualité. Plus les témoins et les marges sont grands par rapport à la taille du texte plus c’est luxueux (car cela montre que l’impression a été faite sur des grands formats in plano ce qui est un critère de qualité encore supplémentaire). En résumé les marges d’un livre sont comme le cadre d’un tableau : leurs proportions importent à l’aspect plastique de la page, à cela s’ajoute la qualité du papier et le choix de la typographie.

 © Le bibliomane moderne – M. B. Hugonnard-Roche -  Impression de Leipsig, Jacob Thanner, 1507. « Ici la marge a une fonction, celle de cahier d’écolier. »

© Le bibliomane moderne – M. B. Hugonnard-Roche - Impression de Leipsig, Jacob Thanner, 1507. « Ici la marge a une fonction, celle de cahier d’écolier. »

Et du côté des Marginalia ?

Lire plume à la main !

Depuis le XIXe siècle, les lecteurs ont appris à ne pas écrire sur les livres. Le développement des bibliothèques publiques, l'usage de transmettre les manuels scolaires d'un élève à l'autre et les pratiques de la bibliophilie les en ont progressivement déshabitués. Lire plume à la main était en revanche un geste familier aux lecteurs d'Ancien Régime. La bibliothèque patrimoniale du Centre Culturel Irlandais, qui possède plus d'une centaine de volumes annotés, en illustre bien la richesse. Ces livres couvrent toute la période du XVe au XVIIIe siècle, avec une surreprésentation du XVIIe siècle. Ils illustrent les pratiques d'une élite intellectuelle frottée aux traités de théologie, de controverse religieuse, de droit et d'histoire. Si certains lecteurs se contentent d'apposer leur signature ou de compléter la page de titre, d'autres envahissent les marges des volumes de leurs annotations - ce qu'on appelle, au sens strict, les marginalia.

© Centre culturel irlandais - Des élèves ont couvert les pages de garde de dessins, signatures, jeux de mots ou messages codés - Theophili Antecessoris institutionum libri IV (Paris, 1657)

© Centre culturel irlandais - Des élèves ont couvert les pages de garde de dessins, signatures, jeux de mots ou messages codés - Theophili Antecessoris institutionum libri IV (Paris, 1657)

Les marginalia de Voltaire...

Sur une période de plus de cinquante ans, Voltaire a écrit dans les livres qui passaient entre ses mains: c’est le sujet de ma monographie, Voltaire à l’ouvrage, tout récemment parue. En tant qu’auteur célèbre, il a compris que ces traces avaient de la valeur et il lui arrivait d’offrir des exemplaires annotés à d’illustres connaissances et à des personnes de son entourage. Il a peut-être même pressenti qu’on allait s’intéresser à sa bibliothèque après sa mort, car certains commentaires marginaux semblent attendre un lecteur futur: « tout cela est de moy / jecrivis cette lettre », note-t-il à côté d’un texte que Jean-François, baron de Spon cité comme ayant été présenté aux États-Généraux de Hollande en octobre 1745 – une espèce de « j’y étais! » laissé pour la postérité.

© Gillian Pink – CNRS Édition - Spécialiste de Voltaire et Research editor à la Voltaire Foundation d'Oxford ...

© Gillian Pink – CNRS Édition - Spécialiste de Voltaire et Research editor à la Voltaire Foundation d'Oxford ...

À la mort de Voltaire en 1778, sa vaste bibliothèque, composée de quelque 7000 volumes, fut vendue par sa nièce, Marie-Louise Denis, à Catherine la Grande de Russie pour 30.000 roubles. L'impératrice, qui avait correspondu avec Voltaire pendant quinze ans, souhaita conserver intacte la bibliothèque comme un monument à l'écrivain et abrita la collection dans le palais de l'Ermitage. Elle fut ensuite transférée à la Bibliothèque publique impériale, puis incorporée à la Bibliothèque nationale de Russie, à Saint-Pétersbourg, où elle réside aujourd'hui .

© Voltaire fondation (Oxford).

© Voltaire fondation (Oxford).

© Librairie Le feu follet (Paris).

© Librairie Le feu follet (Paris).

© Librairie Edition originale.com

© Librairie Edition originale.com

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