Vous êtes l’heureux propriétaire de livres reliés en cuir que vous venez d’acquérir ou que vous souhaitez vendre. Vous vous demandez peut-être quel entretien exige le cuir ou comment lui redonner une belle apparence. Quelques conseils :
Car oui, le cuir, cette peau d’un animal qui n’est plus que poussière aujourd’hui, reste vivant des siècles après son emploi pour recouvrir les livres. Il a besoin d’être nourri et protégé des agressions (soleil, changements de température, d’hydrométrie, souris et rats, larves et insectes). Le cuir reste fragile, il peut se craqueler, se dessécher, se tâcher ou même brûler sous l’effet de produits acides. Il est conseillé de traiter ses livres tous les trois ans environ et de garder un œil attentif sur d’éventuelles altérations. Pour « soigner » le cuir des reliures, la plupart des libraires ont recours à trois produits dont voici les caractéristiques, les avantages et aussi les inconvénients.
1) Savon de sellerie à base de glycérine.
C’est un savon prévu pour l’entretien des selles des chevaux. Il peut être employé sans danger pour le nettoyage et l’entretien sommaire des cuirs neufs ou anciens. Il a plusieurs avantages : il ne modifie pas la teinte du cuir, il est économique et nettoie bien le cuir. Ses inconvénients sont peu nombreux : il ne nourrit pas vraiment le cuir et n’a pas d’action fongicide. On se le procure facilement, soit dans la plupart des coopératives agricoles pour ceux qui habitent en milieu rural, soit dans les boutiques de sport disposant d’un rayon consacré à l’équitation pour les citadins. On préfèrera sa forme liquide (en bouteille) à sa forme solide. Liquide, le savon est déjà dissous et s’emploie sans adjonction d’eau, ce qui évite bien des erreurs de manipulation. On imbibe un tissu doux d’un peu de savon liquide et on nettoie délicatement l’ensemble de la couverture.
2) La Cire 213.
C’est un produit blanc et crémeux (qui peut se solidifier légèrement si le produit est vieux ou laissé à l’air libre) qui est spécialement prévu pour la rénovation et l’entretien des reliures en cuir. Fabriqué sous licence du CNRS, il est commercialisé par la Bibliothèque Nationale de France. Il cumule les avantages : il nourrit et hydrate le cuir, il a des propriétés fongicides (évite les moisissures) et insecticides (efficace sur les « poissons d’argent » mais reste inoffensif pour les vers), son Ph est neutre et il convient spécialement aux cuirs anciens. Son inconvénient principal est son coût : environ 7 euros les 50 ml (un pot permet de traiter une quarantaine d’ouvrages). Néanmoins, c’est le produit que l’on recommande. Il existe aussi une cire 212, teintée, mais elle est plus délicate à employer. La Cire 213 s’achète dans les magasins d’activités créatives, chez certains libraires en livres anciens ou directement en la commandant sur le site de la Bnf (editions.bnf.fr). On passe le produit à l’aide d’un chiffon doux afin de bien le faire pénétrer, sans forcer toutefois. Si l’ouvrage paraît un peu graisseux, cela n’est pas grave et plutôt que d’essuyer le surplus on le laissera pénétrer quelques heures. Le cuir absorbera ce dont il a besoin, le reste pourra alors être nettoyé. Cette cire peut aussi s’appliquer sur du vélin mais le séchage peut prendre plusieurs mois pendant lesquels il garde un aspect graisseux. (Attention ! Démarche délicate.) La Bnf propose un fichier pdf qui montre l’utilisation de cette cire : Entretien_cuir.pdf.
3) La lotion du British Musuem.
C’est la solution utilisée autrefois par nos amis d’outre-Manche pour protéger les reliures en cuir. Elle n’est pas commercialisée mais on peut la fabriquer en suivant la formule suivante : lanoline anhydride (200 g) + huile de cèdre (300 ml) + cire d'abeille (15 g.) + hexane ou éther de pétrole (300 ml). Son avantage est que le produit ne se contente pas d’avoir des qualités semblables à la cire 213, il donne en plus un aspect lustré aux reliures. C’est aussi son inconvénient : il peut tâcher durablement le cuir. Et ce n’est pas son seul inconvénient : les produits employés sont fortement toxiques, en particulier l’hexane qui oblige à porter un masque et des gants. De plus, le produit n’est pas meilleur marché que la cire 213 (on fait l’équivalent de 50 pots pour un budget de plus de 300 euros), les produits sont difficiles à se procurer autrement que par internet (fr.vwr.com par exemple) et leur emploi laisse une forte odeur au cuir à la différence de la cire 213. On l’utilise pour les reliures beaucoup trop abîmées pour réagir correctement à la cire 213. On applique le produit à l’aide d’un torchon, on laisse reposer cinq minutes environ puis on frotte délicatement le cuir avec un second torchon propre. Ce produit n’est pas aussi bien absorbé que la cire 213, le surplus doit être ôté.
Certaines personnes, dont des libraires professionnels, utilisent la cire à chaussure, produit bon marché et facile d’accès, mais que l'on déconseille fortement car elle n’est pas prévue pour cet emploi. Elle a tendance à brûler le cuir délicat des vielles reliures et n’a pas les caractéristiques fongicides et insecticides des autres produits. Son emploi est à l’origine de bien des disputes entre libraires, certains arguant du fait que c’est un fabriquant de cire à chaussure qui fabrique la cire 213. Certes, mais ce n’est pas la même formule pour autant. Il faut aussi éviter tout nettoyage à l’eau des reliures anciennes : le cuir est très sensible à l’eau et peut se tâcher définitivement. Passer de la cire sur une tâche d’humidité récente ne fait qu’aggraver les dégâts en empêchant une possible évaporation de cette tache. De même, lorsque on oublie un livre relié dehors et qu’il se trouve exposé directement au soleil, on peut observer une rétractation impressionnante du cuir qui peut même se déchirer si les cartons sont trop épais pour s’incurver. Si cela vous arrive, ne vous précipitez pas pour traiter le cuir. Il faut laisser l’ouvrage reposer à l’ombre quelques heures, le temps que le cuir se détende à nouveau. Alors on peut, et on doit, le nourrir comme on donnerait des soins à une peau blessée par déshydratation.
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