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Le bibliophile Heurtebise

Le bibliophile Heurtebise

Anciennement librairie Heurtebise, "le bibliophile Heurtebise" propose des informations culturelles en relation avec les métiers du livre, mais aussi des descriptifs de curiosités bibliophiliques. Actualités littéraires, critiques, salons, foires aux livres...


Jacques Laurent ou la France frondeuse !

Publié par HEURTEBISE sur 5 Juillet 2011, 13:54pm

Catégories : #Les Brèves

   

    Jacques Laurent, c’est avant tout le style et le miroir d’une époque ! « J’ai besoin de la séduction dorée des mots » disait-il. Né en 1919 à Paris, cet auteur prolixe embrassa après la guerre une fabuleuse carrière d’écrivain. Romancier, essayiste, critique littéraire, son nom reste associé au mouvement des « Hussards » et des anarchistes de Droite.

Après la Guerre, il entreprend une carrière d'écrivain : ayant écrit sous divers pseudonymes «pour vivre» des chroniques théâtrales (Jean Paquin), quelques petits romans sentimentaux (Dupont de Ména, Roland de Jarnèze) ou des livres policiers (Roland de Jarneze, Alain de Sudy, Gilles Bargy, Laurent Labattu, J.C Laurent), puis en 1948 une étude historique plus connue, Quand la France occupait l'Europe, sous le nom d'Albéric Varenne. Mais il se fait véritablement connaître du public par des romans publiés dès la fin des années 1940, dont les plus célèbres restent Les Corps tranquilles, paru en 1948 (auquel Le Petit Canard, publié en 1954, constituera un post-scriptum), et la série populaire de Caroline Chérie, qui fera l'objet de douze traductions et de plusieurs adaptations cinématographiques. (Premier film de Richard Pottier en 1951 avec les dialogues de Jean Anouilh et la présence de la rayonnante Martine Carol !)

Au début des années 50, Jacques Laurent livre un premier essai «Paul et Jean Paul», dans lequel il étudie un parallèle entre Paul Bourget et Jean Paul Sartre. Il attaque violemment le pape de la pensée existentialiste et de sa revue les Temps Modernes. C’est alors qu’il fonde en 1953 une revue littéraire « la Parisienne » qui accueille des esprits libres et bourrés de talent : Cocteau, Montherlant, Jacques Perret, Marcel Aymé…

En 1964, il écrit un pamphlet contre le général de Gaulle sous le titre de Mauriac sous de Gaulle, qui lui vaudra une condamnation pour «offense au chef de l'État».

Délaissant le pamphlet politique, Jacques Laurent publie 1971 « les Bêtises », qui obtiendra le prix Goncourt. L’ensemble de son œuvre sera couronné la même année par le Grand Prix de littérature de l’Académie Française, qui le recevra le 26 Juin 1986 au fauteuil 15 succédant à Fernand Braudel. Il se suicidera en décembre 2000 et sera remplacé à l’Académie par Frédéric Vitoux, l’écrivain ami des chats, qui publia un sympathique hommage au chat Bébert de Céline…

 

Pseudonymes :

Sous le nom d'Albéric Varenne, Laurent Labattut, Gilles Bargy, Dupont de Mena, Luc d’Ébreuil, Roland de Jarnèze, Alain Nazelle, Jean Parquin, Gonzague de Pont-Royal, Marc de Saint-Palais, Alain de Sudy, Edgar Vuymont.

 

 

 

Bibliographie à lire pour découvrir le personnage :

 

- Raphaël Chauvency - Jacques Laurent - Editions Pardès. Collection Qui-suis-je ? - 2009.

- Bertrand de Saint Vincent - Jacques Laurent, alias Cécil Saint Laurent - Julliard - 1995.

 

 

- Photo Pelletier / Gamma Le Figaro Magazine 6 janvier 2001.

 

- Article de Geneviève Dormann - Le Figaro Magazine - 6 janvier 2001.

 

- in fine : Article de F. Huguenin.

Jacques-Laurent-photo.jpg

 

 

Jacques Laurent Article

 

Jacques Laurent ou la France frondeuse

Article de François Huguenin, publié dans la revue « Certitudes » - N° 5 -

Quand Jacques Laurent est mort, c'est comme si une part de la France s'était éteinte, tant l'esprit, la finesse, l'élégance, la pudeur de cet écrivain semblaient faire corps avec un aspect de l'âme française. Une filiation assez peu rationnelle entre Saint-Simon, le grand Condé, Voltaire, Choderlos de Laclos, Stendhal, Barrés et Bainville aboutit à Jacques Laurent. Les deux chefs-d'oeuvre, le foisonnant Corps tranquilles et l'intimiste Petit Canard, témoignent d'une écriture où se mélangent un goût vif et jamais démenti pour la liberté et un amour immodéré pour les femmes et pour la France, dans une alchimie qui évoque le style et l'attitude de la Fronde.

Jacques Laurent fut de toutes les frondes : élevé à la critique par l'Action française, il en garda toute sa vie une méfiance du romantisme et du gouvernement de la République. Quoique de passage à Vichy, en compagnie de son ami François Mitterrand, il devait à Maurras et à Bainville une germanophobie prudentielle qui lui évita les chimères de la collaboration. Mais, comme Blondin et Nimier, il sut remettre à sa place les prétentions à l'héroïsme d'un peuple qui avait acclamé d'une égale ferveur, à quelques jours d'intervalle, les figures tutélaires de Pétain et de De Gaulle. Le Petit Canard proposait qu'une histoire d'amour a toujours plus de poids qu'un engagement idéologique. Tout cela parut léger. Le ton devint pourtant grave quand il fallut défendre les soldats de l'OAS, polémique quand Mauriac fut tancé pour son allégeance au général et Sartre mis en parallèle avec les bonnes œuvres de Paul Bourget. On le fustigea alors d'être partisan après lui avoir fait le reproche d'être dégagé. A vrai dire, les idéologues ne comprirent rien à cette vie qui était une histoire d'amour singulière avec la France.

La France de Jacques Laurent n'est pas toujours celle que l'on préfère. Elle s'écarte de celle de Jeanne d'Arc, chantée par Péguy ou Bernanos, celle des pauvres et des saints. Elle est moins mérovingienne que cène de Jacques Perret, moins hellène que celle de Maurras. Elle mêle volontiers les uniformes de l'Empire aux étendards de la monarchie. Elle a cette acidité que l'on retrouve chez Saint-Simon et chez Voltaire, ce goût pour le libertinage qui est l'autre face de Janus du gouffre spirituel qui conduit aussi au désenchantement. Mais pour cette France-là, Jacques Laurent a éprouvé un amour qui ne trichait pas.

Le dernier texte publié par Laurent, dans Le Figaro, était une lettre d'amour à « l'amie disparue » qui résonnait aussi comme sa propre lettre d'adieu à la France et à la vie. Cet amour pour cette femme étrangère qui était tombée amoureuse de la France symbolise le destin d'une vie, dont l'œuvre se fit l'écho. La désinvolture n'est qu'un cadenas à l'émotion et l'égotisme, qui ne refuse pas tout attachement, tente de donner un sens à une vie que l'ontologie ne peut plus éclairer. Seule la chute de ce dernier texte vint rappeler, comme par inadvertance, la douleur : « Je ne sais pas si je parviendrai à te survivre dans un monde que ton absence a transformé en cauchemar ». Comme toutes les frondes, celle de Jacques Laurent prenait sa source aux eaux amères du désespoir. Seul le classicisme pouvait lui conférer son style.

 

 

 

 

 

 

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