Marie-Hélène CARBONEL, auteur d’une biographie sur Susy Solidor
« Suzy Solidor, Robert Brasillach, destins croisés »
Suzanne Marion, puis Rocher et enfin Suzy Solidor, se définissait elle-même comme descendante de corsaire par la cuisse gauche. Fille illégitime de Robert Surcouf, jamais reconnue par le petit fils du fameux marin, elle mène une existence « tambour battant ». Née au pied de la tour Solidor, elle quitte sa Bretagne natale dès la guerre de 14 pour être ambulancière. Puis elle conquiert Paris. Dans les années trente elle se défait de ces liens sans pour autant renoncer aux femmes... ni aux hommes. Amante surprenante de Mermoz dont elle restera jusqu’à sa propre mort une ardente amoureuse, elle partage avec lui ses goûts pour les poètes et... les Croix de Feu dont elle épouse la cause; elle s'indigne avec lui des émeutes de février 34. La mort de l’élégant aviateur qui divorça pour elle, la laisse désemparée. Elle lui avait écrit une belle chanson évocatrice de son engagement Fais-moi croire... Elle sera le modèle de prédilection des peintres de Montparnasse et deviendra, grâce à eux, la femme la plus portraiturée au monde. Elle tient un cabaret La Vie Parisienne qui reçoit tout le monde pourvu qu’il soit du grand et puisse payer le champagne. Elle se fait plus sulfureuse encore en interprétant des chansons de marin et des chansons équivoques. Sous l’Occupation et sans état d’âme, après avoir été censurée sous le Front populaire, l’aryenne Suzy, anglophobe de haute tradition, se glisse dans l’uniforme vert de gris avec aisance en interprétant la chanson qui rendit célèbre Lale Andersen, Lili Marlène... et bien d’autres du Reich, qu’elle transpose souvent dans l’univers de la marine. Elle chante à Radio Paris "Et merde pour le Roi d'Angleterre qui nous a déclaré la guerre!"... C'est ce que retiendra son procès surréaliste en collaboration.
Son univers croisera inévitablement celui du "Poète de Fresnes" ; elle se liera ainsi d’amitié avec nombre de futurs épurés du monde artistique et littéraire, d’Arletty à Drieu la Rochelle, en passant par les plus talentueux. Elle fait partie de ceux qui, avec Robert Brasillach, devront payer le prix de leurs convictions et de leurs différences. A la libération, on lui « coupe la tête » en l’interdisant de chansons. Elle ne pourra exercer son art durant cinq ans, son procès en collaboration la privant également de tous les droits civiques... Mais Suzy ne se laissera jamais abattre : on n’est pas descendante de corsaire en vain !