Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le bibliophile Heurtebise

Le bibliophile Heurtebise

Anciennement librairie Heurtebise, "le bibliophile Heurtebise" propose des informations culturelles en relation avec les métiers du livre, mais aussi des descriptifs de curiosités bibliophiliques. Actualités littéraires, critiques, salons, foires aux livres...


La bibliothèque des « horreurs » ou des reliures en peau humaine…

Publié par HEURTEBISE sur 18 Septembre 2015, 09:16am

Catégories : #Infos Heurtebise

Première partie.

Insolite ! Le mot n’est pas trop fort. Ni cuir, ni carton, ni parchemin, ni peau de chèvre... Le monde des chercheurs bibliophiles s’interroge sur la provenance de cette reliure. L’ouvrage est en bonne condition. Certainement deuxième moitié du XIXème siècle ! L’observation à la loupe pose une question de taille. Qu’elle est l’origine de cette peau ? Le livre part en laboratoire pour étude plus en profondeur. On pense prélever une minuscule partie de la peau de la reliure afin de procéder à une analyse. Le service des recherches de la bibliothèque demande à ses membres et collaborateurs de garder discret ce type de travail. Un protocole est retenu : les travaux seront certes publiés, après avis de la hiérarchie, mais, avant tout, attendons les résultats scientifiques ! Le verdict tombe comme un couperet. La peau est bel et bien de la peau humaine ! Voilà la matière utilisée pour la reliure d'un livre de l'auteur français Arsène Houssaye, intitulé "Des destinées de l’âme" et conservé dans une bibliothèque de l'Université américaine Harvard. Le 4 avril 2014, une rumeur avait fait déjà grand bruit : trois livres détenus par différentes bibliothèques de l'Université d'Harvard étaient soupçonnés d'avoir été reliés en peau humaine. Mais jusqu'alors, rien n'avait encore été confirmé. Un mois plus tard, c'est désormais chose faite grâce à un tweet de Harvard qui confirme qu'un des trois livres, celui de l'écrivain Français du XIXème siècle, est bel et bien relié avec de la peau humaine ! Dans une lettre ouverte aux lecteurs publiée sur le site de la Houghton Library le 4 juin 2014, l'Université explique que des chercheurs ont prélevé puis analysé de minuscules parcelles du livre selon une technique d'identification des protéines de la peau, dans le but d'exclure toute origine animale. Et le résultat est sans appel. Selon le conservateur des livres rares de l'Université, Alan Puglia, les scientifiques sont sûrs à 99,9% que le livre écrit en 1879 est recouvert de peau humaine.
 

La vague de répression dirigée contre les instigateurs de la Conspiration des poudres en 1605 conduisit le roi Jacques 1er à condamner à la pendaison le jésuite Henry Garnet, qui, en respectant le secret de la confession, n’avait pas révélé le complot qui se tramait contre le Parlement. Mais rien ne se perd, et la peau de Garnet a été utilisée pour orner les exemplaires d’un recueil des charges à son encontre, intitulé « A True and Perfect Relation of the Whole Proceedings Against the Late Most Barbarous Traitors, Garnet a Jesuit and His Confederates ». Certains vont jusqu’à voir sur l’exemplaire présenté ici, tel un saint Suaire, le visage du prêtre.

La vague de répression dirigée contre les instigateurs de la Conspiration des poudres en 1605 conduisit le roi Jacques 1er à condamner à la pendaison le jésuite Henry Garnet, qui, en respectant le secret de la confession, n’avait pas révélé le complot qui se tramait contre le Parlement. Mais rien ne se perd, et la peau de Garnet a été utilisée pour orner les exemplaires d’un recueil des charges à son encontre, intitulé « A True and Perfect Relation of the Whole Proceedings Against the Late Most Barbarous Traitors, Garnet a Jesuit and His Confederates ». Certains vont jusqu’à voir sur l’exemplaire présenté ici, tel un saint Suaire, le visage du prêtre.

Une note édifiante laissée dans le livre par l'ami d'Arsène Houssaye, le Dr Ludovic Bouland, explique ce choix pour le moins... morbide :

"Ce livre est relié en peau humaine parcheminée, c’est pour lui laisser tout son cachet qu’à dessein on n’y a point appliqué d’ornement. Un livre sur l’Âme humaine méritait bien qu’on lui donna un vêtement humain: aussi lui avais-je réservé depuis longtemps ce morceau de peau humaine pris sur le dos d’une femme. Il est curieux de voir les aspects différents que prend cette peau selon le mode de préparation auquel elle est soumise. La comparer par exemple avec le petit volume que j’ai dans ma bibliothèque, (...) qui lui aussi est relié en peau humaine mais tannée au sumac (un genre d'arbres ou d'arbustes, ndlr)”, peut-on lire sur cette note rapportée par Gizmodo ".

La peau humaine est aussi malléable pendant le processus de tannage que n’importe quel autre animal. Le tannage augmente l'épaisseur et la transforme en un cuir souple et grains fins. Selon certains spécialistes, la peau humaine est semblable à celle du veau, mais il est difficile de supprimer complètement les poils de l'épiderme. D'autres chercheurs disent que la texture de la peau humaine ressemblerait énormément à celle du porc. Un dernier exemple avec la peau de James Johnson, pendu en 1818 à Norwich (Royaume-Uni) qui a été utilisée pour relier une copie du dictionnaire Samuel Johnson. On soupçonne à juste titre aujourd'hui que plusieurs ouvrages de ce type figureraient dans certaines bibliothèques prestigieuses de par le monde. Peut-être le plus extraordinaire exemple de cet « art » est un livre datant de 1837 et intitulé "Récit de la vie de James Allen, alias George Walton ». Walton a toujours insisté sur le fait qu'il était " maître de sa propre peau ", et à son exécution, il demanda que sa vie criminelle devait être reliée avec son épiderme d'où l’inscription sur la couverture de la mention suivante "HIC LIBER WALTONIS CUTE COMPACTUS EST" - " qui traduit donne : « Ce livre a été écrit par Robert Walton et relié dans sa propre peau » Très souvent la peau était « léguée » par la personne, pour qu’elle soit utilisée de cette manière particulière mais l’essentiel des peaux destinées à la reliure de livres provenaient surtout de criminels exécutés. Dans « L'ami de la religion », journal ecclésiastique, politique et littéraire, Tome 145 de 1850, on peut remarquer l’extrait suivant : Dans un catalogue de livres de la bibliothèque de M. Villenave, en novembre 1849 vendus publiquement à Paris, on lisait, sous le numéro 889, le singulier article que voici : « Constitution de la république française. Dijon, 1795,1 volume in 8, relié en peau humaine. » En tête de ce livre, éminemment démocratique, comme on le voit, et par le fond, et par la forme, était écrite la Déclaration des droits de l'homme. Le volume était réellement relié en peau humaine imitant le veau fauve : il a été acheté par un libraire du quai Malaquais, qui dût assurément le payer fort cher. Beaucoup de personnes vont s'imaginer peut-être que cette reliure en peau humaine est une de ces diaboliques inventions réactionnaires que les Blancs se plaisent à propager sur le compte des amis de ce bon M. de Robespierre et de son digne rival M. Marat. La chose est pourtant bien certaine. Il est même fort étonnant qu'il ne se rencontre pas plus souvent de ces catéchismes révolutionnaires reliés en peau d'aristocrate, car à cette bienheureuse époque, il se faisait un assez grand usage de ce genre de reliures ; il y avait des fabriques où l'on tannait la peau humaine, absolument comme le cuir de bœuf et de cheval, et l'on en faisait de beaux volumes qui se vendaient à un prix fou. Et ceci n'est pas encore un conte fait à plaisir pour faire peur aux enfants, et appeler la défaveur sur ces bénins philanthropes de1793.

 

Peau humaine des tanneries de Meudon

Peau humaine des tanneries de Meudon

Encore plus curieux ! De 1792 à 1794, il existait à Meudon, près de Paris, une tannerie de peau humaine. Selon l'historien Montgaillard : « On tannait à Meudon la peau humaine, et il est sorti de cet affreux atelier des peaux parfaitement préparées. Les bons et beaux cadavres des suppliciés étaient écorchés, et leur peau tannée avec un soin tout particulier. La peau des hommes avait une consistance et un degré de beauté supérieurs à la peau des chamois ; celle des femmes présentait moins de solidité, à raison de la mollesse des tissus ». (cf. Montgaillard, Histoire de France, 3ème édition, tome. 7, p. 64 en note.) On voit par cette citation, la véracité des faits. La science nous apprend que la peau humaine se prépare exactement par le même procédé que celle des animaux. On peut lire, à cet effet, l'article sur la Peau de l'Encyclopédie, qui donne tous les détails désirables sur le traitement des peaux humaines, et leur conversion en livres patriotiques par la méthode de 1793. II est encore certain que les peaux aristocratiques ont servi à confectionner d'autres objets que des reliures, car la même Encyclopédie nous apprend qu'un chirurgien de Paris, fit présent au cabinet du roi d'une paire de pantoufles, faite avec de la peau humaine, et sortant de la tannerie de Meudon. Ce n'était pas là un premier essai, comme on serait tenté de le croire ; et une vingtaine d'années auparavant le célèbre Hunier avait absolument tenu à faire relier en peau humaine un traité sur les maladies de la peau. C'est un procès entre lui et son relieur qui révéla cet acte d'excentricité.

La bibliothèque d'Harvard et ses armoires secrètes !

La bibliothèque d'Harvard et ses armoires secrètes !

On a relié des livres avec toutes sortes de peaux : ainsi l'on a employé les peaux de truie pour recouvrir les gros livres de plain-chant ; et l'on cite même quelques exemples de reliure singulière, dus à des fantaisies d'amateur. Le bibliophile anglais Dibdin raconte qu'un particulier avait fait relier en peau de cerf un traité sur la chasse ; qu'un autre fit couvrir d'une peau de renard, l'Histoire de Jacques II, par Fox, et que le docteur Askew possédait un livre sur l'anatomie, relié en peau humaine.

Il y’a quelques années, nous pouvions lire : « Dans quelques jours va être mis en vente aux enchères un ouvrage publié en Angleterre en 1606 relatant par le menu les accusations portées par la couronne britannique contre les conspirateurs catholiques ayant cherché à faire sauter le parlement (la mémoire protestante a conservé vivace le nom d'un d'entre eux : Guy Fawkes). Son titre est tout un programme : “A True and Perfect Relation of the Whole Proceedings Against the Late Most Barbarous Traitors Garnet, a Jesuit, and His Confederates.” On trouve dans ce texte les détails scabreux de l'exécution particulièrement cruelle d'un jésuite anglais, Henry Garnet, qui avait reconnu être au courant de la conspiration et de n'avoir rien fait pour l'arrêter. Propriété d'un collectionneur qui souhaite demeurer anonyme, l'ouvrage présente la particularité d'être relié, selon la légende, en peau humaine. Plus précisément avec la peau du jésuite exécuté. D’ailleurs certains remarquent que l’empreinte de son visage serait sur le livre. ! Selon plusieurs sources, certains fétichistes ont eu des livres recouverts de la peau de poitrine féminine. Les frères Goncourt dans « Mémoires de la vie littéraire » (1888) relatent, en 1866, que des médecins de l'hôpital de Clamart (Paris) ont été licenciés après qu'on ait découvert qu'ils avaient vendu la peau de la poitrine d'une femme morte dans une morgue du Faubourg Saint-Germain. C’est l'éditeur de livres érotiques Isidoro Liseux (1835-1894), qui déclara avoir vu le premier volume de la huitième édition de « Justine » du marquis de Sade, relié de cette façon. Iwan Bloch (1872-1922), dermatologue de Berlin et le père de la sexologie moderne, qui possédait une bibliothèque de plus de 40.000 volumes, a également noté l'utilisation de cette peau. La bibliothèque de Camille Flammarion, à l'observatoire de Juvisy contenait un exemplaire de son astronomie populaire relié en peau humaine. C’est une admiratrice de Camille, qui avait demandé à ce qu'à sa mort sa peau soit utilisée pour relier ce livre qu'elle appréciait par-dessus tout...

A suivre...

Camille Flammarion

Camille Flammarion

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents