Vous avez depuis toujours le nez dans les livres ? Vous adorez lire, votre bibliothèque regorge d’ouvrages et vous aimez l’odeur des vieux livres, bref vous ne rêvez que d’une chose : ouvrir une librairie de livres anciens et d’occasion !
« Depuis le début de la crise sanitaire due au Covid-19, le nombre de personnes prêtes à se reconvertir dans la vente de livres a fortement augmenté dans toutes les régions de France, malgré les multiples écueils du métier », explique Nicole Vulser dans un article du journal Le Monde. (2021). Et l’on découvre des aspirants de plus en plus motivés.
A ce sujet je relaie un message d'un jeune collectionneur, Jacob, qui lit ce blog et qui se pose la question suivante : comment devenir libraire ? En réalité, il se pose la question fondamentale pour donner jour à ce projet : comment réaliser un vieux rêve... et en vivre !
J’ai créé ma librairie (librairie Heurtebise à Dijon) fin 1987 après avoir fréquenté pendant plusieurs années le monde de l’enseignement... N’ayant pas de formation universitaire dans ce domaine, et de n’avoir appréhendé le monde magique des livres qu’à travers la simple expérience de leur contact, je suis devenu, peu à peu, collectionneur et ensuite marchand.
« On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres. » racontait ce fin spécialiste qu’était Henri Béraldi. Cela est si vrai ! C’est pourquoi je remercie vivement mes confrères libraires, bouquinistes, experts, commissaires-priseurs, qui m’ont tant appris, formé le regard et donné les clés du discernement.
Tout a commencé dans mon enfance. Je suis né entre deux étagères de livres anciens. Mon père, médecin, n’était pas un bibliomane compulsif, mais collectionnait avec méthode et goût les livres dans des domaines variés. Ainsi j’ai vu non seulement grandir une bibliothèque, mais aussi l’élaboration d’une seconde (par manque de place !) qui avoisinait bien les dix mille titres. J’ai alors réalisé que le livre deviendrait pour moi un compagnon de vie. La présence des livres, de leurs découvertes, fut un émerveillement culturel et devint naturellement une passion.
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Amis Bibliophiles Bonsoir, Ce soir, je laisse la part-belle aux libraires qui lisent le blog et qui souhaiteraient intervenir dans le débat....
https://bibliophilie.blogspot.com/2008/04/devenir-libraire.html
Alors pour répondre à ce jeune bibliophile en recherche de conseils, voici quelques pistes. Mais si vous le voulez bien, essayons de dépasser les évidences du type « être passionné », « être motivé », « j’adore la lecture et les vieux livres », pour fournir des réponses un peu plus approfondies. Pour ma part, je peux intervenir pour conseiller un profil de librairie et donner quelques chemins de réflexions.
Essayons-donc d’aider ce jeune collectionneur sur les plans suivants en posant les bonnes questions :
Faut-il ouvrir une boutique ?
Un magasin à Paris ou la province ? Dans un premier temps un espace relativement petit n’est pas inconcevable. (Inférieur à 60m2). L’important sera sa situation géographique, sa visibilité, l’attractivité de la vitrine et surtout comment vous habillerez l’espace en lui donnant une tonalité particulière, bref une saveur originale...
Faut-il être seul ou s'associer ?
Pour débuter l’entreprise mieux vaut être seul et gérer à sa façon le magasin. Prendre de l’assurance et de l’expérience. Après, pourquoi pas ?... A la librairie, il existe une multitude de tâches variées ; à deux il sera plus facile de faire du rangement, à tenir une caisse, classer les livres par secteur, gérer et répondre aux commandes, accueillir la clientèle, chiner et se déplacer lors des ventes publiques...
Faut-il racheter une librairie ?
La création présente des avantages, par contre racheter un fonds de libraire donne de sérieux atouts : L’enseigne est connu de la clientèle – Vous pouvez bénéficier du fichier clients – Rachat du stock existant – Profiter de la notoriété du précédent libraire, etc... Voire travailler avec lui quelques temps afin de vous mettre le pied à l’étrier !
Est-il nécessaire de démarrer avec un stock important ?
Il est nécessaire d’avoir une vision globale de votre librairie : quels types de livres désirez-vous vendre ? Se poser la question est fondamentale. (Voir item ci-dessous). Mieux vaut un stock peu important (entre 500 et 1000 titres) mais bien construit, qu’une pléthore de bouquins sans harmonie ni authenticité. Au fil des mois et de vos nouvelles acquisitions le stock prendra de l’ampleur grâce à un cadre bien structuré.
Faut-il se spécialiser ?
Question pertinente. Être généraliste ou pas. Cela dépendra de votre conception personnelle, mais aussi de vos goûts et appétences intellectuelles. Se spécialiser dans un domaine peut vite amener à une nasse, à moins de posséder un immense stock sur le sujet et d’être le meilleur dans ce domaine !
Si vos centres d’intérêts vous porte vers cette formule, alors il faut vite asseoir vos compétences et la notoriété de votre librairie en sera plus grande : spécialiste en ouvrages sur le cinéma ; la gastronomie et les arts de la table ; la littérature surréaliste ; les sciences occultes ; etc... Mais pour privilégier cette formule, la qualité (et la rareté des livres) seront les garants de votre succès.
Est-il utile de rédiger un catalogue et de privilégier la vente par correspondance ? Après plus de trente ans d’expérience j’ai privilégié la vente par correspondance et la publication régulière de catalogues thématiques. (Lire à ce sujet mon ouvrage La plume et le lutrin, souvenirs d’un libraire en ancien. J’explique mes motivations, ma façon de travailler, mon approche de la bibliophilie, avec des réflexions sur l’avenir des librairies et du livre. Publications LDH. 2011. 158 p).
Cela représente un travail important et un gros effort. Mais la technologie des logiciels informatiques, le numérique et les sites de ventes permettent aujourd’hui de proposer dans le monde entier une vitrine particulièrement efficace pour ce genre de vente. Cela ne veut pas dire aucun contact avec la clientèle, car il faut vous réserver un espace visiteurs (dans votre magasin) qui seront ravis de vous découvrir et d’échanger avec vous... Les sites internet de ventes ne manquent pas. Attention toutefois aux arnaques de pseudo-libraires indélicats qui fréquentent assidûment la vaste toile. Voici quelques sites sérieux : https://www.livre-rare-book.com/- https://www.abebooks.fr/ -
https://www.chapitre.com/ - https://www.galaxidion.com/
Inspirez-vous aussi des grandes librairies (livres anciens et rares) qui possèdent leur propre site web. Inscrivez-vous à leur newsletter et étudiez leurs catalogues.
https://www.librairie-du-cardinal.com/ - https://www.edition-originale.com/fr/ - https://www.librairie-koegui.fr/ - https://librairiejumentverte.com/fr - https://www.librairiejousseaume.fr/
Créer une librairie en ligne de livres d’occasion ?
Cela suppose de bien définir son concept. En effet, plusieurs possibilités sont envisageables, parmi lesquelles :
Se spécialiser dans une catégorie et proposer des livres clés, des incontournables. Trouver des livres rares très prisés par les passionnés et collectionneurs. Si vous choisissez cette voie, il est pertinent de se spécialiser et de trouver une niche porteuse. (Voir ci-dessus). Choisir de combiner livres en arrêt de commercialisation, petits tirages, livres d’occasion, livres anciens ou livres uniquement reliés, valoriser une collection. L’important est de mettre en valeur les livres en proposant un descriptif le plus complet et soigné possible. (Ceci n’est pas simple car il faut connaître le langage presque érudit des bibliographes et les termes de codicologie.) Cela revient donc à établir une fiche d’identité du livre qui permettra aux futurs acquéreurs de se faire une idée juste de l’ouvrage, qui bien évidemment sera illustré de photos variées.
Travailler en mode dépôt-vente avec des particuliers collectionneurs et bibliophiles. (Prendre soin de rédiger un contrat de dépôt-vente avec un descriptif sérieux des livres proposés – Durée, prix, rétributions...)
Positionnez-vous clairement dès le départ et réfléchissez à une offre cohérente par rapport à votre concept. La librairie en ligne est synonyme d’une audience large, mais aussi d’un terrain concurrentiel étendu. Analysez bien l’existant sur le net et pensez à la proposition de valeur lorsque vous créez une librairie en utilisant au maximum les réseaux sociaux, dont Instagram et Facebook.
Comment trouver de la bonne marchandise ?
Là on touche le problème majeur. Il n’y a pas de secret, il faut dénicher la perle rare ! Trois priorités :
Fréquenter assidument les salles des ventes. Lieux incontournables des belles affaires, il est conseillé de bien lire les catalogues et offres sur internet (cf. Gazette Drouot). L’expert comme le commissaire-priseur seront à même de vous renseigner sur la valeur des livres. Je recommande la maison Ader (https://www.ader-paris.fr/) :
Leader dans les arts du papier, la maison Ader organise régulièrement des ventes dédiées aux livres anciens et modernes. Incunables, papiers de Chine, de soie, vergé, vélin, les ventes dédiées aux livres de la maison Ader présentent également des enluminures du Moyen Âge qui ornaient les manuscrits d’antan, les livres d’heures et les ouvrages religieux. Sont également représentés dans ces vacations les livres illustrés modernes dont les illustrations ont été réalisées par les plus grands artistes du XXe.
Visiter les sites de ventes en ligne sans a priori. (Ebay ou Rakuten)
L’important est de connaître les appétits de sa clientèle et d’avoir suffisamment de flair pour saisir l’opportunité. (Indispensable d’avoir toujours en tête ou sur sa tablette les desiderata des collectionneurs, les ouvrages recherchés par un client, la liste des dépareillés, etc...)
Participer aux salons du livre et foires régionales ou internationales. On peut échanger avec des professionnels du livre, mais aussi restaurateurs et relieurs... C’est un marché passionnant, entièrement dédié à la vente de livres d'occasion, qui vous invite à explorer ses trésors. Plongez dans l'univers infini du monde de l’imprimé et découvrez des œuvres qui sauront éveiller votre curiosité littéraire. C'est une opportunité idéale pour les amateurs de lecture de dénicher des joyaux littéraires tout en appréciant l'atmosphère animée de ces événements.
Je peux vous conseiller :
Le Marché du livre ancien et d’occasion Paris. Créé en 1987 sous les halles le long du parc Georges Brassens, le marché du livre ancien et d'occasion est un rendez-vous incontournable des weekends parisiens. On y trouve des livres anciens (avant 1815), des livres épuisés des XIXe et XXe siècles ainsi que des illustrés modernes.
Salon International du livre rare & des arts graphiques de Paris. Ce salon est celui de l'exigence : tous les exposants sont membres de la Ligue Internationale de la Librairie Ancienne (LILA) et affiliés, pour les exposants français, au Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne (SLAM). Cette association professionnelle centenaire regroupe les meilleurs spécialistes dans le domaine du livre ancien, obéissant à une stricte déontologie et offrant aux collectionneurs et passionnés les meilleures garanties d’authenticité et les meilleures expertises possibles dans leurs domaines.
Salon de la Bibliophilie et de l'Iconographie. Plus d'une quarantaine de libraires présentent leurs livres anciens, livres modernes, illustrés, d'avant-garde. (Mars 2024 - Espace Cléry, 17 rue de Cléry, Paris.)
Acheter des bibliothèques de particuliers. Tri et valorisation : examiner les ouvrages pour identifier ceux qui ont une valeur marchande ou culturelle. Je me permets de rappeler qu’il est fréquent que des personnes ayant hérité d’une bibliothèque (ou après une vie d’acquisition) surestiment la valeur des ouvrages dont ils sont en possession. Pour résumer, et c’est important de l’avoir en tête quand on veut vendre des livres anciens, la valeur d’un ouvrage ne dépend pas seulement de son ancienneté, mais aussi de la qualité de l’auteur, du thème abordé, de l’édition, de l’état de l’ouvrage, de la demande sur ce type d’ouvrages, etc...
Bien entendu, cela n’empêche pas de visiter les bancs des bouquinistes les jours de marché, les « boites » des quais de Paris, les petits salons locaux...
Le côté juridique ?
Laissons de côté le domaine du livre pour cerner les impératifs d’une création (ou reprise) d’une librairie. Déjà ne pas s’affoler devant les déclarations administratives qui pour certaines peuvent paraitre fatigantes !
Tout d’abord il faut déterminer :
Les statuts juridiques :
Si vous êtes seul : une entreprise individuelle ou une société unipersonnelle (EURL, SASU, SARL) – On peut également choisir le régime de l'EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée), ce qui lui permet de séparer son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel. - La possibilité la plus simple est de prendre le statut d'auto-entrepreneur avec 2 codes APE qui vous permettront de vendre vos livres : - Avec le code APE 5811Z « Édition de livre ».
Vous devez vous enregistrer sur le site formalites.entreprises.gouv.fr afin de vous faire connaître auprès de l'administration. Renseignements : https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F23571
L’étude de marché :
C’est une étape cruciale avant l’ouverture d’une librairie. L’étude de marché permet en outre de regrouper les objectifs et axes à développer. Cela va notamment permettre de faire un choix décisif sur le positionnement de la librairie. Il faudra faire un choix décisif : ouvrir en plein centre-ville ? Dans un local proche des zones étudiantes ? etc. Il est impératif pour cela de repérer l’environnement géographique. Ou privilégier la vente sur internet... Le libraire qui saura proposer des concept nouveaux, originaux, attirera un maximum de clients. Il est possible de créer un simple point de vente, mais il est envisageable également de créer une librairie-salon de thé par exemple. Ou salon de lecture avec une programmation de conférences et de signatures. On peut aussi trouver un concept original mêlant livres et ventes de tampons ou fabrications d’ex-libris, marque-page, etc... Et pourquoi pas proposer une chaîne YouTube, afin de présenter régulièrement, par de courtes vidéos, vos livres, vos coups de cœur, et même de réaliser une visite virtuelle de votre stock...
S’affilier à un syndicat ?
Le SLAM - Le Syndicat national de la Librairie Ancienne et Moderne créé en 1914, est l’une des plus importantes et des plus anciennes associations de libraires de livres anciens au monde. Sa vocation est de promouvoir le domaine du livre de collection auprès du public et de rassembler des professionnels qui offrent des garanties et respectent une déontologie commune. Il est le seul représentant de la librairie ancienne en France. Membre fondateur en 1947 de la Ligue Internationale de la Librairie Ancienne (LILA), le SLAM participe, en son nom ou via ses membres aux plus grands salons professionnels du monde, à New York, à Londres, à Amsterdam et partout dans le monde. Aujourd’hui, le SLAM regroupe 230 libraires, marchands d’autographes et d’estampes, dont la compétence est reconnue par leurs pairs. Ce syndicat peut vous aider et répondre à vos questions épineuses. https://slamlivrerare.org/
Le syndicat de la librairie française. SLF est un syndicat patronal né en juin 1999. Il s'inscrit dans une longue tradition syndicale qui s'appuie sur la spécificité du métier de libraire ainsi que sur son rôle social et culturel.
Afin de participer à la défense et à la promotion du métier de libraire indépendant ; bénéficier d'une assistance et de conseils techniques ; échangez avec vos consœurs et vos confrères ; etc...
https://www.syndicat-librairie.fr/
En conclusion
Évidemment, vous allez me dire que cela est compliqué et que tout dépend des objectifs et de la vision de la vie de chacun, mais j'imagine qu'il existe malgré tout, si ce n'est des règles, du moins des choses fortuites qui peuvent aider un heureux démarrage.
Bien sûr, je pose d'ailleurs ces premières pierres en donnant mon avis d’ancien professionnel... Si j'étais de nouveau libraire, je crois que j'essaierais d'être ambitieux, non pas pour devenir forcément millionnaire (même si je n'ai rien contre), mais pour voir passer entre mes mains de beaux livres, réflexe de bibliophile j'imagine ; des reliures signées aux armes, des superbes dédicaces, de surprenantes gravures...
Certes ambitieux, mais aussi proposer un autre axe, une autre perception de la librairie ancienne dans ce XXIe siècle dont le premier quart sera bientôt passé, en privilégiant les rencontres entres collectionneurs et marchands... Bref, inventer un concept novateur, là où l’originalité vous fera remarquer...
Tout cela est non seulement motivant cher Jacob, mais doit vous inciter à ouvrir la porte... de votre nouvelle librairie !
Si vous êtes libraire et que vous voulez nous raconter votre histoire, alors n'hésitez pas!
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